À l’initiative de FARES Group Law Firm, un séminaire international sur la production, l’innovation et l’exportation intitulé « Algérie connectée » consacré au climat d’investissement en Algérie a été organisé le 24 Juin dernier à Bir khadem – Alger, avec la participation de plusieurs entreprises et de représentants d’institutions publiques tels que les Douanes Algériennes et INAPI) pour dresser un état des lieux juridique et stratégique du marché algérien. Yannil Belbachir, Managing Partner du cabinet et diplômé de la Loyola Law School de Los Angeles, revient dans cet entretien, qui suit, sur les objectifs de cette rencontre et les enjeux actuels de l’investissement en Algérie. Il y souligne à la fois les avancées réglementaires majeures — comme l’assouplissement des restrictions sur les capitaux étrangers et les incitations fiscales — mais aussi les défis persistants : numérisation encore incomplète, faible recours aux mécanismes d’arbitrage et nécessité de renforcer la sécurité juridique. Ce séminaire, destiné aux investisseurs institutionnels, aux multinationales comme aux PME locales, vise à encourager les partenariats, accroître la transparence, sécuriser les transferts de technologie et stimuler un développement économique durable. L’objectif affiché : bâtir un climat d’affaires fondé sur la confiance, l’innovation et la stabilité.
Interview réalisée par Karima Mokrani
Quels constats principaux vous ont conduit à organiser ce séminaire sur le climat d’investissement en Algérie, et à quel type d’investisseurs s’adresse-t-il en priorité ?
Notre séminaire vise à répondre aux préoccupations croissantes des investisseurs, tout en s’adaptant aux nouvelles dynamiques économiques nationales et internationales. En tant que manager partner d’un cabinet d’avocats renommé, j’ai observé plusieurs constats clés. Premièrement, bien que l’Algérie possède un potentiel énorme avec ses ressources naturelles et humaines, il existe encore des défis liés à la transparence réglementaire et à l’accès au marché. Ces obstacles nécessitent une meilleure compréhension et un dialogue ouvert entre toutes les parties prenantes.
Deuxièmement, l’évolution rapide de l’économie mondiale, accentuée par la digitalisation et la transition énergétique, appelle à une adaptation et à une diversification des stratégies d’investissement en Algérie.
Le séminaire s’adresse principalement aux investisseurs institutionnels, tant publics que privés, ainsi qu’aux multinationales cherchant à entrer ou à consolider leur présence sur le marché algérien. Nous visons également les PME locales qui cherchent des partenaires internationaux pour les accompagner dans leur croissance. En créant un espace de discussion et d’échange, nous aspirons à renforcer la confiance entre les investisseurs et à faciliter des décisions porteuses de croissance économique et de développement durable en Algérie.
L’environnement réglementaire algérien a connu plusieurs avancées notables qui renforcent son attractivité pour les investisseurs étrangers. Tout d’abord, la révision du cadre législatif a permis d’améliorer la transparence et la prévisibilité des règles du jeu économique. Les réformes récentes ont simplifié les procédures administratives, réduisant ainsi le temps et les coûts associés à l’investissement.
L’environnement réglementaire algérien est en évolution. Quelles sont selon vous les principales avancées qui rendent aujourd’hui le pays plus attractif pour les investisseurs étrangers ?
De plus, l’assouplissement des restrictions sur les investissements étrangers, notamment la suppression de la règle des 49/51% dans certains secteurs, a permis aux investisseurs internationaux d’opérer avec plus de liberté et de contrôle sur leurs projets. Ce changement crucial a ouvert de nouvelles opportunités pour une multitude de secteurs, notamment l’énergie, l’agriculture et les nouvelles technologies.
Enfin, l’Algérie a engagé des efforts significatifs pour améliorer l’accès au financement, grâce à des incitations fiscales et à la création d’instruments financiers adaptés aux besoins des investisseurs étrangers. Ces avancées régulatoires, combinées à une géolocalisation stratégique et à des ressources abondantes, positionnent l’Algérie comme une destination attractive pour les investissements étrangers cherchant à tirer parti de ces atouts uniques.
Ensuite, bien que des progrès aient été réalisés dans la simplification bureaucratique, la modernisation de certaines infrastructures administratives et la digitalisation des services publics restent des chantiers importants pour faciliter davantage l’accès au marché.
Pour renforcer l’attractivité économique, l’Algérie doit intensifier ses efforts dans la lutte contre la corruption et avancer vers la dépénalisation de l’acte de gestion. Alléger les responsabilités excessives pesant sur les gestionnaires, notamment dans le secteur public, encouragera une prise de décision plus audacieuse et innovante, favorisant ainsi un climat d’affaires dynamique.
La numérisation est un axe stratégique. Quel regard portez-vous sur le cadre juridique algérien en matière de protection des données personnelles et de commerce électronique ?
Les lois algériennes sur le e-commerce et la protection des données personnelles s’alignent sur les standards internationaux, en mettant l’accent sur la protection du consommateur et le contrôle individuel sur les données personnelles. Ces législations démontrent l’engagement de l’Algérie à adopter des pratiques globales tout en répondant à ses propres préoccupations nationales. Par exemple, la législation sur le e-commerce inclut des dispositions spécifiques sur le contrôle des changes, renforçant ainsi la régulation et la sécurité des transactions en ligne.
En ce qui concerne la protection des données, l’Autorité nationale de protection des données à caractère personnel (ANPDP) joue un rôle crucial. Les opérateurs doivent soumettre des déclarations détaillées et, dans certains cas, obtenir l’autorisation de l’ANPDP pour traiter des données personnelles, garantissant ainsi la conformité et le respect des droits des personnes concernées.
À l’avenir, ces lois devront évoluer pour s’adapter aux innovations technologiques et pratiques émergentes, comme l’utilisation de l’IA dans le marketing digital, assurant ainsi la protection continue des consommateurs et la pertinence des régulations dans un monde numérique en constant changement.
Les conflits commerciaux sont inévitables dans les affaires. Dans quelle mesure les dispositifs d’arbitrage et de médiation disponibles en Algérie sont-ils efficaces et utilisés ?
La médiation et l’arbitrage représentent des alternatives prometteuses aux litiges traditionnels en Algérie, surtout dans un contexte où les conflits commerciaux entre entreprises sont fréquents. Bien que le cadre juridique, soutenu par le Code de procédure civile et administrative et l’adhésion à la Convention de New York, soit relativement complet, l’application concrète de ces mécanismes reste limitée.
L’arbitrage, bien qu’il soit perçu comme rapide et confidentiel, fait face à des obstacles tels que son coût élevé, le manque d’infrastructures spécialisées, et une faible culture arbitrale parmi les entreprises locales.
De son côté, la médiation est marginalisée, affectée par l’absence de médiateurs qualifiés et d’une structuration institutionnelle adéquate. Les centres nationaux, comme celui de la Chambre Algérienne de Commerce et de l’Industrie (CACI), manquent de visibilité et d’activité, poussant souvent les entreprises internationales à préférer les centres étrangers, comme la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Ainsi, bien que les mécanismes alternatifs de résolution des différends aient un potentiel réel en Algérie, ils souffrent d’un manque de sensibilisation, de confiance et d’engagement des acteurs économiques. Leur développement nécessiterait une politique de promotion active, la formation de professionnels qualifiés, et une intégration plus systématique des clauses arbitrales et de médiation dans les contrats commerciaux. Cette évolution est cruciale pour améliorer l’environnement des affaires en Algérie et soutenir son développement économique.
Concernant les coentreprises et le transfert de technologies, quelles sont les principales préoccupations juridiques à anticiper pour sécuriser les investissements étrangers en Algérie ?
Pour les coentreprises et le transfert de technologies en Algérie, certains enjeux juridiques clés doivent être anticipés pour sécuriser les investissements étrangers. D’abord, il est crucial de protéger les droits de propriété intellectuelle, en assurant que les accords de coentreprise définissent clairement qui détient et utilise les technologies partagées. Ensuite, une répartition claire des risques et bénéfices est essentielle pour éviter les conflits entre partenaires. Les contrats doivent aborder en détail la gestion, les obligations financières, et inclure des clauses de résolution des différends. La conformité réglementaire est également vitale. Les entreprises doivent bien comprendre la législation locale, notamment pour l’importation et l’exportation de technologies, afin d’éviter des problématiques légales. Les règles de contrôle des changes doivent être anticipées pour garantir le rapatriement des fonds. Enfin, prévoir des mécanismes de sortie bien définis pour chaque partenaire facilite une transition sans heurts en cas de dissolution de la coentreprise. Un accompagnement juridique local expert est souvent indispensable pour naviguer dans ces complexités et assurer une mise en œuvre réussie des investissements.
Enfin, quels résultats ou retombées attendez-vous concrètement de ce séminaire, à court et moyen termes, pour les participants comme pour l’écosystème économique algérien ?
Nous attendons de ce séminaire des résultats concrets et impactant, tant pour les participants que pour l’écosystème économique algérien. À court terme, nous espérons renforcer la compréhension mutuelle entre les investisseurs et les acteurs locaux à travers des échanges riches et constructifs. Les participants devraient repartir avec une vision claire des opportunités et des défis présents en Algérie, ainsi qu’avec des contacts précieux pour leurs projets futurs.
À moyen terme, l’objectif est d’initier un mouvement de transformation positive du climat d’investissement en Algérie. Nous espérons voir une augmentation des partenariats stratégiques et des investissements, favorisés par une confiance accrue envers le marché algérien. Cela devrait se traduire par un transfert de technologies plus fluide, un développement des compétences locales et, en fin de compte, une diversification économique appréciable.
Par ailleurs, ce séminaire doit servir à sensibiliser davantage sur la nécessité d’améliorer les cadres réglementaires et les infrastructures économiques. En promouvant une culture de l’innovation et du partenariat, nous visons à stimuler non seulement la croissance économique, mais aussi la stabilité et la durabilité du développement en Algérie.
K. M.