À l’approche de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025) prévue à Alger, Dr Gainmore Zanamwe, Directeur de la facilitation du commerce et de la promotion des investissements à Afreximbank, revient sur les outils et priorités de la banque pour stimuler le commerce et l’investissement intra-africains. De la logistique à l’agrégation de l’offre exportable, de l’African Direct Investment aux incitations pour les coentreprises, il décrit une stratégie panafricaine articulée autour de l’intégration des marchés, du financement des infrastructures et du soutien aux jeunes porteurs de projets innovants.
Interview réalisée par Hacène Nait Amara
Vous avez présenté les produits et initiatives d’Afreximbank en matière de facilitation du commerce. Quelles sont les principales innovations que vous proposez pour répondre aux défis logistiques en Afrique ?
Merci beaucoup. Pour nous, le principal défi du commerce intra-africain n’est pas uniquement lié à l’infrastructure ou à la logistique, mais surtout à l’absence d’accès à l’information sur les marchés et les opportunités commerciales. C’est pourquoi nous organisons des foires commerciales comme l’IATF, qui permettent aux opérateurs économiques de se rencontrer. Cela crée la demande, ce qui justifie ensuite les investissements dans les infrastructures logistiques. Dans ce cadre, nous avons lancé l’African Trade and Distribution Company, une société de commerce continentale chargée d’agréger les produits, de les stocker dans des entrepôts, et de les acheminer entre les régions. Par exemple, elle pourra transporter des produits fabriqués en Algérie (comme de l’électroménager ou de l’huile d’olive) vers l’Afrique de l’Est ou australe, et ramener du lait d’Ouganda vers l’Algérie. L’objectif est d’instaurer un commerce bilatéral fluide.
Nous agissons également sur le plan politique, en plaidant pour des politiques favorables à la libre circulation des marchandises. Nous développons un système africain de garantie de transit collaboratif, qui permettra aux marchandises de circuler librement sans être bloquées aux frontières. Enfin, nous finançons des projets d’infrastructures : routes, ports, chemins de fer, voies fluviales et routes maritimes intra-africaines.
En matière d’investissement, quels outils concrets Afreximbank met-elle à la disposition des opérateurs africains pour encourager les coentreprises transfrontalières ?
Nous pensons qu’il faut renforcer la promotion de l’investissement intra-africain. Bien que nous soutenions l’investissement direct étranger (IDE), nous mettons l’accent sur ce que nous appelons l’African Direct Investment (ADI) : des investissements réalisés par des Africains dans d’autres pays africains.
Par exemple, un investisseur algérien pourrait souhaiter investir en Afrique du Sud, au Nigeria ou en Égypte. Pour soutenir cela, nous organisons des forums d’investissement où les opérateurs peuvent identifier des opportunités de partenariat ou de coentreprise. Ces forums ont déjà été organisés en Égypte, en Eswatini ou encore au Kenya.
Nous proposons également des garanties d’investissement pour couvrir les risques politiques ou de convertibilité de devises. Ainsi, si un investisseur algérien veut investir en Zambie, nous pouvons garantir la sécurité de son capital et de ses rendements.
Nous disposons aussi de mécanismes de financement de l’investissement, ainsi que du Fonds pour le Développement des Exportations en Afrique (FEDA), notre véhicule de capital-investissement qui finance les entreprises à vocation exportatrice.
Dans la perspective de l’IATF’2025, quels sont les secteurs prioritaires pour la promotion de l’investissement intra-africain ?
Bien que l’IATF soit une foire multisectorielle, certains secteurs sont prioritaires. Nous mettons l’accent sur l’agriculture et l’agro-industrie, car nous voulons que l’Afrique transforme et commercialise ses produits agricoles à l’intérieur du continent avant de les exporter.
Le secteur minier, notamment la valorisation des minerais stratégiques, est aussi crucial, avec des pays comme la RDC ou la Zambie. Le secteur de la construction, celui de l’automobile, ainsi que les industries créatives (musique, cinéma, mode, sport, gastronomie) sont également visés.
Nous nous intéressons aussi à la recherche et à l’innovation. Beaucoup de jeunes ou de chercheurs africains ont développé des prototypes prometteurs, mais manquent de capitaux pour les commercialiser. L’IATF leur servira de tremplin pour rencontrer des investisseurs et passer à l’échelle.
Nous soutenons aussi les secteurs financiers (en invitant les banques commerciales), ainsi que le tourisme. Tous les secteurs sont les bienvenus à l’IATF, y compris ceux portés par les amis de l’Afrique à l’extérieur du continent.
Le roadshow d’Alger s’adresse aux acteurs publics et privés. Comment Afreximbank adapte-t-elle son offre aux spécificités de chaque écosystème national ?
Chez Afreximbank, nous travaillons avec l’ensemble du continent. Nos instruments s’adressent aux secteurs public et privé. Nous sommes une institution typiquement positionnée en PPP. Nous avons donc conçu une palette d’outils de financement et de facilitation adaptés aux entreprises publiques, aux gouvernements et aux grandes entreprises privées.
Par exemple, en Égypte, nous avons collaboré avec des entreprises comme El Sewedy ou Asad Alam, que nous avons accompagnées dans d’autres pays africains pour des projets dans la construction ou l’énergie. Nous pouvons faire la même chose avec les entreprises algériennes.
Nous encourageons les pays africains à identifier des projets structurants – y compris en mode PPP – que nous pouvons soutenir. L’Algérie peut collaborer avec la Zambie ou le Nigeria sur des projets d’infrastructures, de transport, ou dans le secteur pétrolier et gazier.
Enfin, comment évaluez-vous l’impact des éditions précédentes de l’IATF en matière de projets d’investissement ? Et quels sont les indicateurs que vous suivez ?
Lorsque nous avons lancé l’IATF, nous avons défini des indicateurs clairs. Nous avons organisé trois éditions : en 2018 en Égypte, en 2021 à Durban (Afrique du Sud), et en 2023 à nouveau en Égypte. Ces trois éditions ont permis de générer plus de 100 milliards de dollars de contrats commerciaux, attiré plus de 70 000 visiteurs et rassemblé plus de 4500 exposants.
Pour l’édition d’Alger, nous visons 44 milliards de dollars de transactions, plus de 2000 exposants et 30 000 visiteurs. Nous invitons tous les pays africains ainsi que nos partenaires extérieurs à y participer, du 4 au 10 septembre 2025 à Alger.
H. N. A.