En accueillant pour la troisième fois les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque islamique de développement (BID), l’Algérie ne s’est pas contentée d’offrir l’hospitalité institutionnelle attendue d’un pays membre. Elle a saisi cette tribune internationale pour affirmer une ambition stratégique : celle d’un monde islamique plus souverain, plus uni et capable de répondre à ses propres défis dans un cadre de coopération renforcée.
À travers le discours du Premier ministre, Nadir Larbaoui, c’est toute une vision de la diplomatie économique algérienne qui s’est exprimée. Une diplomatie à double vocation. Régionale, d’abord, puisque l’Algérie s’inscrit avec constance dans une logique de centralité au sein du monde musulman, se posant en acteur stabilisateur, promoteur d’une intégration économique fondée sur des valeurs de solidarité et de justice. Nationale, ensuite, car cette stature géopolitique affirmée est aussi le levier d’un redéploiement interne : attirer des capitaux, accélérer les réformes industrielles, valoriser les ressources minières et humaines pour consolider une trajectoire de croissance autonome.
Cette position s’inscrit dans un contexte mondial instable où les pays du Sud global, longtemps dépendants de flux extérieurs volatils, cherchent à bâtir leurs propres modèles de développement. À ce titre, l’appel algérien en faveur d’une coopération Sud-Sud renouvelée dépasse le cadre des slogans diplomatiques. Il s’agit d’un réquisitoire contre le statu quo et d’un plaidoyer pour une véritable souveraineté collective : bâtir des chaînes de valeur communes, mutualiser les ressources financières et humaines, et capitaliser sur les atouts démographiques et culturels des États membres.
Dans ce paysage recomposé, la BID est interpellée sur la nature même de son mandat. Née pour incarner un idéal de développement islamique fondé sur l’éthique, elle se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle doit répondre aux urgences – le drame palestinien, les crises humanitaires ou les besoins en infrastructures – tout en anticipant les mutations structurelles que sont la transition énergétique, la révolution numérique ou encore la sécurisation des systèmes alimentaires. L’intervention du Premier ministre algérien a ainsi eu valeur de rappel au devoir historique : la solidarité ne peut être un simple fondement moral, elle doit devenir un instrument actif de résilience collective.
ambition industrielle retrouvée, Alger entend conjuguer pragmatisme économique, souveraineté politique et fidélité aux idéaux de la Oumma.
À travers ces Assemblées, l’Algérie a envoyé un message clair : le monde islamique n’est pas condamné à la fragmentation ni à l’assistanat. Il peut redevenir acteur de son destin, à condition de puiser dans ses forces, de renouveler ses alliances, et surtout, de transformer ses discours en politiques concrètes.
H. N. A.