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Youcef Khanfar, directeur central des Ressources nouvelles à Sonatrach : « L’hydrogène vert est une opportunité industrielle et stratégique »

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Dans un entretien qu’il a bien voulu accorder au magazine Indjazat en marge des 12es Journées Scientifiques et Techniques de Sonatrach à Oran, Youcef Khanfar, directeur central des Ressources nouvelles à Sonatrach, détaille les ambitions de l’entreprise dans le domaine de l’hydrogène vert. Porté par un protocole d’accord stratégique avec CEPSA et Tosyali, ce virage marque l’entrée concrète de Sonatrach dans la production d’hydrogène décarboné à vocation industrielle. Objectif : convertir progressivement la sidérurgie nationale au métal vert tout en structurant une filière technologique compétitive, du renouvelable à la valorisation. Pour Youcef Khanfar, l’Algérie dispose de tous les atouts pour devenir un futur hub énergétique en Méditerranée, à condition d’assurer une montée en puissance maîtrisée, appuyée sur des investissements ciblés, des alliances solides et une jeunesse formée aux métiers de la transition énergétique. Une vision réaliste, mais résolument tournée vers l’innovation.

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara 

Le partenariat avec CEPSA et Tosyali marque un tournant pour la production d’hydrogène vert destiné à l’industrie sidérurgique nationale. Quels sont les objectifs techniques ou industriels assignés à cette étude de faisabilité, et à quel horizon envisagez-vous un passage à l’échelle industrielle ?

Je vous remercie pour cette question. Avant même la signature du MOU, nous avons préparé le terrain pour réunir trois grandes entreprises : Tosyali, un acteur majeur dans la sidérurgie en Algérie, CEPSA, très active dans l’ammoniac vert, et Sonatrach. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de durabilité de Sonatrach. Bien que nous restions un acteur énergétique classique, producteur d’hydrocarbures, nous sommes pleinement engagés dans la transition énergétique.

Nous devons adapter nos modes de production, de transport et de commercialisation aux nouvelles normes environnementales, notamment celles qui entreront en vigueur dans l’Union européenne dès 2026. Le projet vise à produire de l’hydrogène vert compétitif, pour alimenter des industries énergivores comme la métallurgie, le verre ou le ciment. L’objectif est de convertir progressivement une part de la production de Tosyali vers du métal vert, en commençant par 15 %, puis en augmentant par paliers jusqu’à atteindre du 100 %.

Le protocole d’accord signé prévoit un écosystème complet allant de la production d’hydrogène vert à sa valorisation en méthanol ou en ammoniac. Quels sont les défis technologiques pour l’électrolyse, le stockage et le transport dans ce projet pilote ?

Dans la stratégie de Sonatrach, nous pensons à court, moyen et long termes. L’hydrogène vert est encore un sujet émergent : très peu de projets sont réellement opérationnels dans le monde, mis à part quelques initiatives au Moyen-Orient. L’Europe commence à se mobiliser, mais les acteurs hésitent encore entre rester sur le gaz naturel ou investir dans l’hydrogène.

Avec CEPSA, nous envisageons une première étape consistant à produire de l’hydrogène vert pour le transformer en ammoniac ou en urée verte. Ces produits seront exportés par bateau vers l’Europe. C’est une voie réaliste, à faibles investissements initiaux. Ces projets peuvent être portés par Sonatrach seule, avec ses filiales comme Fertial, ou en association avec des partenaires privés algériens ou étrangers.

L’initiative “Green Hydrogen Algeria 2025” positionne l’Algérie comme futur hub régional. Comment Sonatrach structure-t-elle sa stratégie pour tirer parti de ce momentum et renforcer sa souveraineté technologique ?

L’Algérie est idéalement positionnée : elle a les atouts géographiques, énergétiques et techniques pour devenir un producteur majeur d’hydrogène vert. De nombreux pays européens, comme l’Allemagne, l’Autriche ou l’Italie, ont déjà entamé la construction d’infrastructures, de pipelines, et de politiques d’achat à long terme.

Nous observons un véritable engouement en Europe, soutenu par les banques et les institutions. L’objectif est clair : remplacer progressivement le charbon – la source fossile la plus polluante – par de l’énergie renouvelable, et notamment l’hydrogène. Nous devons répondre à cette demande avec des projets semi-industriels et progressifs, car aucun acteur ne peut assumer seul tous les investissements. Le défi, c’est de produire une électricité verte à bas coût pour rendre l’hydrogène économiquement viable. L’arrivée d’électrolyseurs à bas prix, notamment produits par la Chine, est un facteur décisif.

Le projet solaire de Bir Rebaa Nord, mené en partenariat avec ENI, a doublé sa capacité. Quel enseignement tirez-vous de cette expérience d’énergie hybride, et quelles perspectives de réplication envisagez-vous ?

Ce projet est un vrai succès. La centrale solaire fonctionne au-delà de nos attentes, elle permet d’économiser du gaz tout en produisant une électricité propre pour les besoins du site. Cela nous a encouragés à lancer un deuxième projet, BRN2, actuellement en construction.

Nous comptons reproduire cette expérience sur d’autres sites. Le prochain sera à MLE (Miztir El Menea), avec une centrale de 10 à 20 mégawatts. L’idée est de réduire notre consommation interne de gaz et de verdir nos opérations. C’est une réponse aux exigences internationales et une démonstration de notre engagement dans la décarbonation.

La centrale hybride CSP + gaz de Hassi R’Mel représente un modèle d’intégration. Envisagez-vous de dupliquer ce type de projet dans d’autres bassins stratégiques ?

Oui, bien sûr. Il faut rappeler que Sonelgaz a engagé un vaste programme de 3,2 GW d’énergies renouvelables. L’objectif national est de 15 GW d’ici 2035. Sonatrach, pour sa part, agit sur ses propres installations.

Nous avons lancé un programme d’électrification solaire de nos sites au Sud, afin de réduire notre dépendance au gaz pour l’électricité. Cela s’inscrit dans une dynamique globale de responsabilité environnementale. D’ailleurs, lors du dernier forum des compagnies méditerranéennes et africaines, Sonatrach a été reconnue comme leader régional dans la décarbonation de ses activités.

Enfin, les énergies renouvelables ont occupé une place notable lors de cette édition des JST. Quel regard portez-vous sur cette dynamique, et sur le rôle de la jeunesse algérienne dans cette transition ?

Les énergies renouvelables ne sont plus une utopie. En 2023-2024, plus de 500 GW de capacité photovoltaïque ont été installés dans le monde, soit un doublement en un an. Les investissements dans les renouvelables ont même dépassé ceux des énergies fossiles.

Cela s’explique par la chute du coût des panneaux photovoltaïques, principalement grâce à l’industrie chinoise. Dans certains pays, l’électricité solaire est désormais moins chère que celle produite au gaz. Certes, il y a encore des défis liés à l’intermittence, mais nous sommes sur la bonne voie. Aujourd’hui, les universités algériennes forment des jeunes dans ce domaine. À Sonatrach, nous les accueillons, nous les accompagnons. Ils ont besoin d’expérience terrain, d’apprentissage progressif. Je crois profondément que l’avenir repose sur cette nouvelle génération, plus ouverte, plus agile, et capable d’intégrer rapidement l’innovation technologique, notamment l’intelligence artificielle. Il nous faut de la volonté, de l’enthousiasme, et un engagement collectif. 

H. N. A.

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