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Diversification économique face à la dépendance aux ressources naturelles : De la rente à la résilience : vers une nouvelle économie des ressources

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À l’occasion des Assemblées annuelles de la Banque islamique de développement à Alger, un panel d’experts et de décideurs de haut niveau a exploré les chemins de la diversification économique face à la dépendance aux ressources naturelles. Sous la modération de Sayed Husain Quadri, les interventions ont mis en lumière des stratégies nationales audacieuses — de l’Algérie au Nigéria, en passant par l’Indonésie — pour créer de la valeur ajoutée, générer des emplois, développer les énergies renouvelables et intégrer les chaînes industrielles mondiales. « Transformer la rente en résilience », tel est le mot d’ordre de ces pays qui misent sur l’innovation, la jeunesse, la souveraineté énergétique et les partenariats multilatéraux. Les contributions de l’UNOPS et du CICR ont rappelé combien infrastructures durables et reconstruction post-crise sont essentielles pour bâtir des économies inclusives, résilientes et justes. Une rencontre marquée par un souffle stratégique et une vision partagée du développement durable. L’intervention du ministre algérien de l’Énergie est des Mines, Mohamed Arkab, pour centrale qu’elle a été, a, quant à elle, souligné avec force la volonté d’Alger de faire de la transition énergétique un pilier stratégique de développement industriel, technologique et diplomatique.

Par Hacène Nait Amara 

Le débat d’une heure et demi a réuni des personnalités internationales engagées dans la transformation économique durable de leurs pays ou organisations respectifs. « Comment transformer la dépendance aux ressources naturelles en une résilience durable ? » : c’est par cette question centrale que le modérateur a introduit les discussions, posant ainsi le cadre d’un échange stratégique à l’échelle multilatérale.

Une vision algérienne de la diversification économique

Le Ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, a ouvert la session en livrant une intervention dense, traduite en simultané, qui a posé les fondements de la vision algérienne en matière de diversification économique. Celle-ci s’articule autour de trois axes majeurs : la valorisation industrielle des ressources naturelles, l’investissement massif dans les énergies renouvelables, et l’exploitation stratégique des richesses minières du pays.

« Le secteur de l’énergie et des mines constitue la colonne vertébrale de notre économie, représentant 90 % des exportations, 20 % du PIB et près de la moitié des recettes publiques », a rappelé le ministre. Conscient des risques liés à cette dépendance, il propose de la transformer en levier de développement industriel. Pour cela, le gouvernement a lancé plusieurs projets de pétrochimie destinés à convertir localement 50 % de la production de pétrole et de gaz d’ici 2030. Une ambition soutenue par la mise en place de complexes de raffinage et d’unités de transformation du gaz naturel en engrais chimiques.

Le second pilier de cette stratégie repose sur les énergies renouvelables. L’Algérie, dotée d’un ensoleillement exceptionnel (près de 3 000 heures par an), ambitionne de produire 15 000 MW d’électricité solaire. « Nous avons déjà lancé une première phase de 3 200 MW », a précisé Mohamed Arkab, avant de souligner l’importance des partenariats avec l’Italie et l’Allemagne dans le développement de l’hydrogène vert. Ce dernier est perçu comme un vecteur clé de souveraineté énergétique et de transition écologique.

Le troisième pilier est minier. Le ministre a mis en lumière le potentiel des gisements de zinc, de phosphate et de marbre, en insistant sur la transformation locale des matières premières : « Notre objectif est double : créer des chaînes de valeur en amont et générer des milliers d’emplois qualifiés dans les régions minières. » Des projets concrets sont en cours, comme le complexe intégré de phosphate et l’exploitation du gisement de zinc de Oued Amizour, destinés à alimenter une industrie nationale compétitive et exportatrice.

Le cas nigérian : jeunesse, compétences et réformes

Stanley Nyeso George, directeur des relations économiques internationales du Nigeria, a apporté un témoignage centré sur la jeunesse et le capital humain. « Le Nigeria ne peut plus être défini uniquement par le pétrole. Notre avenir repose sur notre jeunesse, nos compétences et nos talents », a-t-il affirmé, soulignant les efforts entrepris pour repositionner son pays dans une économie diversifiée.

Le représentant nigérian a détaillé trois grands axes d’intervention : le développement des compétences, notamment dans les TIC ; la modernisation des infrastructures (routes, électricité, numérique) ; et la promotion de l’industrie créative. « Nollywood représente aujourd’hui plus de revenus que certains secteurs industriels. Nos jeunes doivent y voir une voie d’émancipation », a-t-il insisté.

Il a mis en avant la volonté politique du président nigérian de sortir le pays de la rente pétrolière, à travers une série de réformes structurelles dans les secteurs monétaire, budgétaire et fiscal. En parallèle, des programmes sociaux ciblés (transferts monétaires, subventions, microcrédits) sont mis en œuvre pour amortir l’impact des ajustements sur les plus vulnérables. « L’emploi, l’accès à l’énergie et à la sécurité sont des priorités absolues pour faire reculer la pauvreté », a-t-il conclu, insistant sur la nécessité d’un cadre macroéconomique stable pour attirer les investisseurs privés.

L’expérience indonésienne : développement durable et modernisation

Anggito Abimanyu, vice-ministre des Finances d’Indonésie, a exposé la transition opérée par son pays vers une industrialisation en aval, fondée sur la durabilité et la technologie. « Nous sommes passés d’un modèle de simple exportateur de ressources naturelles à une politique de transformation en aval », a-t-il expliqué. Cette évolution est incarnée par le traitement local de minerais stratégiques (comme le nickel), destinés à alimenter les chaînes de production de batteries et de technologies vertes.

L’Indonésie, qui compte plus de 230 millions de musulmans et une économie historiquement dépendante du gaz, du charbon et de l’huile de palme, cherche à diversifier son modèle en misant sur la technologie, l’innovation et l’éducation. « Nous avons modernisé notre secteur financier et investi massivement dans les infrastructures vertes, tout en maintenant une priorité sur la sécurité alimentaire », a-t-il poursuivi. La politique de « downstreaming » (intégration des chaînes de valeur en interne) a permis à l’économie indonésienne de gagner en résilience face aux chocs externes et aux aléas climatiques.

Les contributions internationales : ONU et CICR

Kristine Damkjaer, représentante de l’UNOPS, a partagé l’expérience de l’agence onusienne dans la mise en œuvre de projets dans les contextes fragiles. « Nous mettons en place des infrastructures intelligentes sur le plan climatique, tout en nous assurant qu’elles renforcent la résilience locale et créent de l’emploi », a-t-elle expliqué. L’approche de l’UNOPS repose sur trois piliers : des infrastructures adaptées au climat, le renforcement des capacités institutionnelles locales, et la réforme des systèmes de passation de marchés pour intégrer des critères de durabilité.

Elle a donné l’exemple de cliniques de santé rurales alimentées en énergie solaire, ou encore de systèmes d’irrigation durables mis en œuvre dans des zones en conflit. « Nous travaillons dans plus de 130 pays. Cela nous permet de collecter des données précieuses, de les analyser et de partager les bonnes pratiques dans des environnements très variés », a-t-elle précisé.

De son côté, Gilles Carbonnier, vice-président du CICR, a insisté sur le rôle de l’aide humanitaire dans la reconstruction économique post-conflit. « Dès que les hostilités cessent, il faut relancer les activités économiques. À Mossoul, une simple aide en capital a permis à une entrepreneuse de redémarrer son usine textile », a-t-il raconté. Il a évoqué d’autres initiatives du CICR, comme la relance de la production avicole ou le soutien aux systèmes d’irrigation au Mali.

Il a également appelé à une meilleure coordination entre les institutions humanitaires et les bailleurs de fonds du développement. « Les environnements post-conflit sont complexes et nécessitent une approche agile, fondée sur les partenariats et le respect du droit humanitaire », a-t-il martelé.

Une conclusion algérienne forte sur l’innovation et la coopération

Mohamed Arkab a clôturé le panel en insistant sur la mobilisation de l’expertise locale et la coopération internationale. « Notre stratégie repose aussi sur l’émergence des start-ups, la maîtrise technologique et la coopération avec les pays amis », a-t-il affirmé. Il a rappelé les avancées algériennes en matière d’intégration industrielle, notamment dans les équipements solaires et les dispositifs de stockage de l’énergie.

L’Algérie entend valoriser ses ressources solaires et éoliennes pour produire une énergie propre, tout en formant une nouvelle génération d’ingénieurs et de techniciens. Le ministre a également mis en avant la dimension géopolitique de la transition énergétique : « À travers l’hydrogène vert, nous voulons renforcer notre place dans les chaînes de valeur régionales et européennes. »

Cette session dense et inspirante a réuni des visions ambitieuses, des stratégies concrètes et un consensus fort autour d’un mot d’ordre : transformer les fragilités en opportunités, grâce à l’innovation, à l’inclusion, à la planification stratégique et à la coopération internationale.

H. N. A.

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