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Abdelhakim Benbouabdellah, Secrétaire du Conseil national des assurances (CNA) : «La redynamisation du marché financier est nécessaire pour le secteur des assurances»

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Le Secrétaire du Conseil national des assurances (CNA) Abdelhakim Benbouabdellah, dresse dans cet entretien, un constat sans ambages du secteur des assurances, notamment en ce qui a trait à sa relative résilience. Il trace, en substance, les contours du développement du marché algérien des assurances dont le potentiel, selon lui, demeure énorme.

Entretien réalisé par Lyes Mechti

Dans sa dernière Note de conjoncture, le CNA a indiqué que le secteur des assurances, en Algérie, a enregistré une croissance appréciable, durant le 1er semestre 2021. Selon vous, qu’est-ce qui a induit ce retour à la croissance, après une année de contreperformance ?
Effectivement, il est relevé, dans la Note de conjoncture, élaborée et rendue publique trimestriellement par le Conseil national des assurances, un retour à la croissance du chiffre d’affaires du marché des assurances, ce qui dénote la capacité de résilience des assureurs, en dépit des difficultés auxquelles tout le monde a dû faire face (difficultés financières et socio-économiques dans notre pays, depuis mi-2014, accentuées en 2019, puis par la survenance de la pandémie de Covid-19, à l’entame de 2020). La croissance enregistrée au niveau du marché algérien des assurances est, surtout, tirée par les assurances de dommages qui croissent de 6,4%, alors que les assurances de personnes sont pratiquement au même niveau, pour ne pas dire en très léger fléchissement (-0,3%), comparativement au premier semestre 2020. En nous attardant sur les assurances de dommages, cette progression est à constater au niveau de toutes les branches, exception faite de la branche automobile qui, elle, enregistre un recul de 2,3%. Cette situation peut être expliquée par la reprise de l’activité de plusieurs entreprises, qui étaient à l’arrêt, suite à la levée des mesures de confinement.
D’autre part, il y a eu une forte reprise des activités économiques dans les secteurs des Hydrocarbures avec 11%, l’Industrie (9,3%), le Bâtiment-Travaux Publics et Hydrauliques (BTPH) y compris les services et travaux publics pétroliers (STPP) à hauteur de 13,7%, et les Services Marchands (10,2%), ce qui a permis de stimuler l’assurance. Aussi, en cette situation de pandémie, il y a eu prise de conscience face aux risques par les acteurs économiques incitant, ainsi, une demande de protection. En effet, la branche « Incendie et risques Divers », qui détient près de 42% du total des réalisations du marché, au cours des six premiers mois de l’année 2021, connait une forte croissance de 18,3%, contre une baisse de 16,8% enregistrée au titre de la même période de l’année 2020. Les branches transport et crédit connaissent, également, la même tendance haussière avec respectivement 11,6% et 29,8%.

Bien qu’elle demeure prépondérante, la branche automobile a enregistré un recul, par rapport à 2020. Quelles en sont les raisons ?
Tout d’abord, il importe de souligner que ce repli de 2,3% est moins important que celui enregistré, au terme du premier semestre 2020, qui était de moins de 10%, avec la précision que cette branche est toujours prépondérante, avec une part de 51% du total réalisé par le marché des assurances. Par ailleurs, le léger recul auquel vous faites référence trouve explication, d’une part, dans l’annulation de la Taxe anti-pollution et, d’autre part, la fermeture des showrooms de vente automobile, la suspension des importations de véhicules neufs pour la seconde année de suite ainsi que des activités des usines de montage automobile, générant, de ce fait, une régression de 7,1%, en termes de nombre de contrats souscrits.
Il y a lieu de noter que cette régression n’est pas à mettre, exclusivement, dans la case des contreperformances car, il peut s’agir, aussi, d’une réelle bénédiction, dans le cadre des efforts de diversifications que fournissent les acteurs du marché. En effet, cela signifie qu’il est question de lorgner du côté des autres branches d’assurance, afin de tirer le marché national vers un véritable développement.

L’assurance contre les effets des Catastrophes Naturelles (Cat-Nat) n’arrive toujours pas à drainer des flux financiers pour le secteur. Où se situe le problème ?
Effectivement, en 2020, l’assurance Cat-Nat n’enregistre que 522 521 contrats, en terme de souscription, correspondant à un montant de 5 911 902 885 DA, soit 11% de la branche IRD et 5% du total marché des assurances. Bien qu’elle soit légalement obligatoire, l’assurance contre les effets des Catastrophes Naturelles (Cat-Nat) demeure, effectivement, très en deçà des attentes placées en ce produit, depuis l’instauration d’un dispositif qui lui est dédié, il y a plus d’une décennie et demie. Mis en place, dans le cadre de la concertation menée par le Secrétariat Permanent du Conseil national des assurances (SP-CNA), aux lendemains du séisme de Boumerdes (2003), ce dispositif, pourtant entré en vigueur dès 2004, avec la promulgation de ses textes d’application, revêt un caractère obligatoire qui reste orphelin des moyens de contrôle de ladite obligation.
Néanmoins, c’est surtout vers la généralisation et l’ancrage de la culture et l’importance de s’assurer, chez le potentiel assurable, qu’il faudra réellement lorgner. Et c’est, sans nul doute, pourquoi le CNA, dans ce cadre là, n’a jamais cessé d’attirer l’attention sur cet impératif d’œuvrer à ce que soient réduits, à défaut d’être anéantis, les sempiternelles idées et sentiment que c’est l’État qui indemnisera, après chaque catastrophe naturelle. L’État a un rôle qu’il assume parfaitement en assurant, dès les premiers instants d’une catastrophe naturelle, les premiers secours et prises en charges nécessaires. Doit intervenir, ensuite, l’assurance pour indemniser. Encore faut-il être doté d’un contrat d’assurance. Et c’est à ce niveau que nous pouvons constater la faiblesse de cette branche. Diverses raisons peuvent expliquer cela. A commencer par le faible pouvoir d’achat des citoyens et le manque d’informations, nombre de citoyens ne prenant connaissance de l’existence de cette assurance Cat-Nat que suite à l’exigence du notaire de cette police pour toutes les transactions d’achat, de vente ou de location de logement. Le problème de l’indemnisation est accentué surtout par la branche automobile, car la plus répandue. Le sentiment légitime du citoyen/assuré/assurable, devant les délais d’indemnisation, parfois non respectés par les assureurs, doit avoir réponse concrète dans la pratique de tous les jours, au sein de la relation assurés-assureurs.
Conscients des efforts de mise à niveau, de vulgarisation et de communication à déployer, les acteurs du marché œuvrent, graduellement, à combler les retards qui font qu’au jour d’aujourd’hui, un seul contrat d’assurance Cat-Nat est souscrit sur chaque neuf possibles et potentiels contrats.

Selon les spécialistes, l’évolution du marché des assurances, même si elle est positive, reste relativement faible, comparée aux potentialités du marché. Ils en veulent pour preuve le taux de pénétration du secteur qui demeure inférieur à 1%. Que faudrait-il faire pour que le secteur joue pleinement son rôle dans le financement de l’économie nationale ?
Cette amère réalité du taux de pénétration à seulement 0,7% du PIB national devra changer pour aller, dans un premier temps, au dessus de la barre de 1%, dès que les multiples efforts pour le développement du marché soient récompensés par la convergence des apports des uns et des autres et, surtout, par un dynamisme commun, notamment en matière de respect des dispositifs et des règles, y compris celles éthiques et déontologiques, de la part de tout acteur. L’ensemble des mesures gouvernementales, prises récemment et visant le soutien à la création d’entreprises, la lutte contre le chômage et la réforme de la sécurité sociale, accompagnées d’une augmentation du revenu par habitant, sont autant de leviers pour l’essor du marché algérien des assurances. Bien que ce marché accuse de faibles taux de pénétration et densité, comparativement à d’autres pays, il présente, cependant, de bonnes perspectives de développement, du fait du fort potentiel assurable, marqué par l’existence de gisements peu exploités, tels que les risques des particuliers, notamment la couverture des patrimoines (habitations, commerces, artisanats, etc.) et des personnes.
Néanmoins, il y a un certain nombre de conditions à réunir pour améliorer les performances du marché des assurances, notamment sa contribution au financement de l’économie qui atteint seulement 3%, actuellement. Il s’agit principalement d’outils permettant des opportunités de placements de l’épargne collectée par les assureurs et, si nous voulons aller vers des volumes plus importants, la (re)dynamisation du marché financier est nécessaire. Il est important que l’assureur communique davantage avec les assurés/assurables, en utilisant des moyens modernes. A l’ère de la digitalisation qui facilite le contact permanent, devraient être conçues des offres selon la demande, à l’exemple des contrats spécifiques, devant permettre des retours concrets grâce aux réseaux sociaux, mais aussi, aller vers de justes et rapides règlements des sinistres.

Justement comment évaluez-vous la « e-assurance », en Algérie, et les initiatives prises par certaines compagnies, en matière de digitalisation de leurs activités ?
Phénomène universel dont beaucoup de sociétés algériennes ont en accaparé les principes, depuis quelques années déjà, ce mode moderne par excellence de la distribution et de la gestion, dans le domaine des assurances, la « e-assurance », en l’occurrence, est appelée à devenir, très rapidement, le canal de distribution le plus dynamique, comme cela s’est vérifié avec le contexte pandémique qui a vu quasiment tous les acteurs recourir, essentiellement, à ce mode de commercialisation et de gestion, tel qu’imposé, durant de longs mois de l’année 2020, par l’obligation de confinement, afin de limiter et circonscrire la propagation de la Covid-19.
Disons que la digitalisation des activités de l’assurance est encore à sa phase d’élargissement. Des sociétés avancent plus vite que d’autres, à ce propos, mais il faudrait, toutefois, exploiter le potentiel offert par le digital de manière optimale.
Ainsi, quasiment toutes les sociétés d’assurance et de réassurance disposent d’une vitrine sur le Web (site internet) et sur des réseaux sociaux. Néanmoins, il existe un décalage entre ce que doit être une plate-forme réellement digitale et ce qu’il en est réellement. Il est à constater, dans ce cadre, que certaines sociétés offrent un accès au devis en ligne et d’autres la possibilité du payement en ligne.
Concernant les réseaux sociaux, les sociétés y sont présentes particulièrement sur le principal et plus populaire (Facebook), ainsi que sur d’autres : Linkedln, Twitter, Instagram et Youtube…
Ces quelques indices montrent qu’il est indispensable pour chaque société d’assurance de bâtir un écosystème digital permettant la réponse réelle aux attentes des clients, afin de les satisfaire et de les fidéliser. Par ailleurs, cette transformation doit englober une diversification des canaux de distribution (site internet, application mobile), surtout après la mise en vigueur de la Loi relative au commerce électronique, en Mai 2018.
Chose importante à relever : la digitalisation est considérée comme une priorité dans l’agenda de tous les managers et constitue un des sujets principaux pour les acteurs du marché des assurances. Il va sans dire que cet aspect du management a un impact sur la chaine de valeur de l’entreprise et il est considéré comme un levier de croissance, à travers sa capacité à faire émerger de nouvelles solutions et de nouvelles organisations.
Bien avant la crise pandémique, les acteurs de l’assurance ont fait de la transformation digitale leur thème de réflexion majeur. Les sociétés d’assurance, en Algérie, sont mues par l’obligation de trouver des moyens pour satisfaire un assuré de plus en plus exigeant et volatile. Les projets mis en place s’articulent, principalement, autour de l’amélioration de la qualité de service pour les particuliers et la clientèle dite grands comptes, afin d’atteindre, à moyen terme, un niveau supérieur d’efficience financière dans un marché conjoncturellement difficile.

Le marché algérien des assurances est-il, aujourd’hui, en mesure d’accueillir de nouveaux investisseurs, ou bien serait-il déjà en saturation ?
Le potentiel du marché est énorme. Selon des estimations fiables, le chiffre d’affaires pouvant être multiplié jusqu’à quatre fois son niveau actuel.
Cependant, le marché national n’a pas tant besoin de nouveaux investisseurs mais, il est, surtout, en besoin de voir les acteurs déjà en place prendre en main les atouts qu’ils ont pour multiplier leurs chiffres d’affaires respectifs, en agissant collégialement en ce qui a trait à l’impératif de (re)gagner la confiance des assurés/assurables, c’est selon, ainsi que de leur énorme capacité à faire avancer le marché, communément, notamment en ce qui concerne la communication, la vulgarisation et la sensibilisation.
Au-delà du cadre juridique, les textes réglementaires, bien que perfectibles dès que nécessité se fasse ressentir, des orientations et des recommandations existent et sont, sans cesse, réitérées par les pouvoirs publics, via nombre d’instances et en de multiples occasions et canaux, pour que tous les acteurs puissent œuvrer dans la concurrence loyale, au sein de laquelle seules les capacités d’innovations et d’attraits de chacun feront la différence. Les dénominateurs communs et les urgences concernant l’ensemble pouvant et devant être traités et opérés avec comme unique vecteur le développement du marché qui, de toute évidence, passe par le développement de tout un chacun…
Cela étant dit, le marché algérien des assurances est ouvert et il est en mesure d’accueillir de nouveaux investisseurs, car il renferme un grand potentiel non encore suffisamment exploité (modernisation du pays et les grands chantiers et programmes de développement).
L’avenir de l’assurance, dans notre pays, passe, entre autres, par la vivification des assurances de Personnes et l’encouragement de l’innovation, dans ce domaine, et, probablement, par la multiplication des opérateurs agissant dans cette branche.
L. M.

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