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ALI HAMANI, PRESIDENT DE L’APAB : «Mettez des normes et des barrières non tarifaires et laisser le consommateur décider»

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L’industrie de boissons jus et gazeuses demeure l’une des plus dynamiques du secteur national de l’industrie agroalimentaire. Toutefois, son potentiel de croissance reste limité et confronté à un environnement réglementaire instable et très peu propice. Ali Hamani, président de l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab), revient dans cette interview, qu’il a bien voulue accordé au magazine Indjazat, sur les différentes entraves législatives et techniques auxquelles se heurte la filière. Ali Hamani préconise également une série de mesures susceptibles d’assainir le marché national de boissons.

Entretien réalisé par Hacene Nait Amara

Comment évaluez-vous le marché des boissons en Algérie ?
Les plus récentes constatations que nous avons faites sur le marché révèlent que les prix de certains produits locaux ont connu une augmentation. Or, celle-ci devrait concerner uniquement les produits importés qui sont désormais soumis au Droit additionnel provisoire de sauvegarde (Daps). Certains producteurs, grossistes et détaillants ont saisi cette occasion pour revoir à la hausse les prix de certains produits locaux. Ce qui ne répond à aucune logique. Pourtant, nous avons déjà attiré l’attention des pouvoirs publics sur les conséquences qui peuvent découler de cette mesure qui ne devrait pas concerner notre secteur. Mais là, les choses se sont vraiment envenimées, car, selon des informations à notre possessions, des importateurs ont d’ores et déjà commencé à sous-facturer la valeur de leurs produits afin de payer moins de taxes. A cet égard, l’Apab appelle les pouvoirs publics à soumettre ces mêmes produits à des prix administrés. Pour ce qui est de l’évolution du marché, nous avons relevé une baisse sensible de la sous-filière boissons gazeuses, une stagnation pour les jus de fruits et une augmentation pour les eaux embouteillées et les boissons alcoolisées. La baisse de croissance du marché de boissons gazeuses est en réalité une tendance mondiale. En Europe, la régression a atteint 28% en 2018. En revanche, la sous-filière eaux embouteillées a connu une évolution assez importante, tirée par l’arrivée sur le marché de neuf nouvelles marques.  S’agissant de la sous-filière jus de fruits, le niveau de la croissance a stagné en dépit d’une légère évolution. Globalement, la croissance du secteur a connu une baisse de 2% en 2017. Le bilan de 2018 n’a pas été encore finalisé, mais nous pensons que cette chute devrait être beaucoup plus importante.

Qu’est-ce qui explique la régression de la sous-filière boissons gazeuses ?
Cela peut s’expliquer par toute cette polémique autour du taux du sucre contenu dans ces boissons et la compagne menée contre les effets «néfastes» de cette boisson sur la santé du consommateur lequel a changé ses habitudes alimentaire, en se tournant les autres boissons notamment les jus boissons fruitées.

Si j’ai bien compris ce que vous venez de dire, les jus et les boissons fruitées ne contiennent pas de sucre !
Il faut faire très attention à la dénomination des produits et à la différence qu’il y a entre le jus, le nectar et une boisson aux fruits. Dans les jus, il ne devrait pas qu’il y ait du sucre ajouté. Mais sans un règlement technique devant permettre de faire la distinction entre ces produits, le consommateur restera toujours dans cette confusion.
Celle-ci ne concerne pas seulement les composants des produits, mais aussi leur emballage. Des producteurs «tricheurs» continuent de tromper le consommateur en utilisant des images de fruits sur l’emballage des boissons aromatisées, or celles-ci ne représentent qu’une très faible teneur en fruits.
L’Apab a anticipé ce problème en ayant déjà préparé, en collaboration avec tous les intervenants de la filière, un règlement technique algérien. Nous l’avons transmis au niveau du ministère de l’Industrie qui est le département habilité à piloter ce règlement.  Mais trois ans après, aucune décision n’a été prise dans ce sens à ce jour.

Cette confusion a-t-elle un lien avec le taux du concentré en fruits contenu dans ces boissons ?
C’est cela dont je vous parle. Un jus doit contenir plus de 50% de jus (la teneur minimale en fruits). Un nectar doit contenir entre 20% et 50% de jus. Une boisson fruitée doit en avoir de 12% à 15% et 3% pour les boissons aromatisées. C’est ce règlement qui devrait définir la teneur en fruits de chaque boisson et lever définitivement cette confusion qui, faut-il le signaler, touche également la filière lait. Mais malheureusement rien n’a encore été fait concrètement. Toutes nos tentatives en faveur de l’instauration de ce règlement sont restées vaines. Il en est de même pour la mise en place de la certification HACCP qui est une norme de sécurité alimentaire. Le décret a été promulgué en 2017, alors que l’arrêté devant définir les modalités d’application n’a pas encore vu le jour.
Un sort presque identique a été également réservé à notre demande concernant l’élaboration d’une loi alimentaire à la faveur de laquelle une entité sera créée pour mettre en synergie tous les moyens de contrôle et les laboratoires de qualité dont disposent les ministères de l’Agriculture, du Commerce et de la Santé. Mais un problème de leadership s’est rapidement posé comme si la plus grande préoccupation était de savoir qui va chapeauter cette entité. Pourtant, nous ne demandons pas l’impossible, l’Algérie est membre du Codex Alimentarius, nous devons tout simplement nous soumettre à ses règles. Ce n’est pas si compliqué, mettez des normes et des barrières non tarifaires et laisser le consommateur décider.

Comment évaluez-vous le chemin parcouru jusqu’à présent par l’Apab ?
Le seul élément qui nous donne satisfaction, c’est d’avoir réussi à couvrir 98% des besoins de l’Algérie par la production locale. Les producteurs n’ont pas attendu les restrictions sur les importations pour assurer une production suffisante, variée et de qualité.

A combien évaluez-vous le marché national de boissons jus et gazeuses ?
La consommation oscille entre 4,5 et 5 milliards de litres par an. Le marché génère un chiffre d’affaires de 270 à 280 milliards de dinars. Maintenant, nous devons aller vers le développement d’une industrie de transformation des fruits susceptible de répondre aux besoins des producteurs aussi bien en termes de disponibilité qu’en termes de qualité et spécificités techniques.

Quel commentaire faites-vous sur la décision d’interdire l’importation des arômes ?
Nous n’avons pas compris sur quelle base a été prise cette décision. Celle-ci n’obéit à une aucune logique, d’autant plus que les arômes produits localement pose un certain nombre de problèmes, notamment celui de la disponibilité du produit et surtout de leur conformité avec les critères de qualité, et spécificités techniques de chaque produit, de chaque recette et de chaque marque.

En dépit de la surproduction, la filière n’arrive toujours pas à décoller à l’export. Comment expliquez-vous cette situation ?
Effectivement, les exportations dont la valeur avait atteint 40 millions de dollars ont enregistré une nette régression ces dernières années. Cela s’explique par l’exclusion des plus grosses entreprises des avantages octroyés dans le cadre du Fonds spécial pour la promotion des exportations (FSPE). Alors que, selon la loi en vigueur, il ne devrait pas qu’il y ait une quelconque distinction entre petites et grandes entreprises. La valeur des exportations a donc chuté à 20 millions de dollars en 2018, mais la tendance devrait s’inverser pour l’année en cours dans la mesure où de nombreuses marques ont réussi à placer leurs produits dans de nouveaux marchés aussi bien en Afrique qu’en Europe.

Quelle solution préconisez-vous pour éradiquer définitivement le marché informel ?
Le marché informel restera tant que les pouvoirs publics ne prennent pas les décisions nécessaires ou n’appliquent pas rigoureusement leurs propres décisions. Cela n’exclut pas la responsabilité du consommateur dans la recrudescence de ce phénomène qui ne touche pas seulement la production, mais aussi la distribution et la commercialisation. Certains pays ayant été confrontés à ce fléau ont opté pour la simplification de la fiscalité et pour la baisse des impôts afin de permettre aux producteurs formels d’aligner leurs prix avec ceux appliqués sur le marché informel. La qualité et la conformité aux normes d’hygiène et de sécurité seront ainsi les seuls facteurs qui peuvent déterminer le choix du consommateur.

Quels sont les objectifs que l’Apab s’est assignés à court et moyen termes ?
Notre objectif consiste à améliorer davantage la qualité et à œuvrer pour offrir au consommateur plus de visibilité sur le contrôle de la qualité des produits qu’il consomme. Cela implique l’accréditation des laboratoires des entreprises, l’assainissement du marché, l’élaboration et la mise en pratique des règlements techniques des différentes boissons.
H. N. A.

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