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Anders Wollter, ambassadeur de Suède en Algérie : «Nous faisons une analyse interne qui porte sur l’attractivité économique future de l’Algérie»

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Le Chef de mission (chargé d’affaires) de l’ambassade de Suède en Algérie, Anders Wollter décortique la coopération entre la Suède et l’Algérie, mettant en valeur le potentiel de l’Algérie en termes de ressources humaines et naturelles et sa situation géographique qui se trouve à la fois aux portes de l’Afrique mais aussi à proximité de l’Europe. Dans cet entretien qui l’a bien voulu accordé au magazine Indjazat, Anders Wollter parle de l’existence de grandes opportunités liées à la fois aux relations commerciales existantes et aux investissements suédois en Algérie dans les secteurs de la téléphonie mobile et de l’industrie mécanique (montage de camions), tout comme, il réitère la disposition de son pays à partager ses expériences avec l’Algérie. Suivez le…

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara

Les relations d’amitié entre l’Algérie et la Suède ont été de tout temps très fortes, ancrées par les relations historiques entretenues par les deux pays. Comment faire évoluer ces relations en une coopération bilatérale bien plus soutenue ?
Nos relations sont excellentes, anciennes, durables. Elles reposent sur des bases sûres et solides. Lorsque nous parlons de l’avenir, nous devons voir où nous en sommes aujourd’hui ainsi que nos besoins dans les années à venir.
Je crois instinctivement qu’il existe de grandes opportunités liées à la fois aux relations commerciales existantes et aux investissements suédois en Algérie dans les secteurs de la téléphonie mobile et de l’automobile (production de camions) ainsi que de nouvelles opportunités qui se manifesteront par exemple dans les TIC et la transition énergétique. La nouvelle Algérie s’apprête à diversifier son économie et à prendre la place qui lui est légitime dans la création internationale de valeurs. La Suède, en fervent adepte du libre-échange, de l’innovation et du partenariat gagnant-gagnant, est disposée à partager ses expériences avec l’Algérie.
Nous commençons tout juste à faire une analyse interne qui porte sur l’attractivité économique future de l’Algérie, et regroupera des informations clés pour les entreprises suédoises et organisations intéressées.
L’Algérie est le pays du continent africain avec l’Indice de développement humain (IDH) le plus élevé. C’est un pays avec d’énormes ressources naturelles, un haut niveau d’éducation et un haut niveau de capital humain. L’Algérie se trouve à proximité immédiate de l’Union européenne. Vous avez une grande compréhension culturelle de l’Europe et, en même temps, avec votre vaste territoire, vous constituez un pont vers l’Afrique subsaharienne. Vous avez la plus grande population du Maghreb. Les jeunes représentent une grande partie de la société. Ils sont énergiques, instruits, créatifs, anglophones et tournés vers l’extérieur.
En revanche, la Suède est un pays industriel depuis plus de 100 ans avec des marques telles que Ericsson, Volvo, Atlas Copco, Scania, TetraPak, Sandvik, Ikea, H&M, Saab, SKF. Nous arrivons généralement en tête du classement des pays les plus innovants du monde. Véritable vivier de startups, la Suède voit beaucoup de startups émerger et devenir des figures incontournables de l’économie mondiale, telles que Skype, King (Candy Crush Saga), Mojang (Minecraft), Klarna, iZettle ou encore Spotify. Cette dernière offre un service de streaming musical et a émergé comme une entreprise leader mondial dans un segment qu’aucun géant de la technologie, même aux États-Unis, n’a été en mesure d’égaler. L’écosystème des startups en Suède est nourri par la R&D autour des grandes entreprises ainsi que par le système d’innovation – incubateurs; collaboration académie-entreprises-gouvernement.
Notre industrie du jeu vidéo a connu un énorme développement, depuis les années 1990. Nous sommes généralement classés comme le troisième plus grand exportateur mondial de musique pop, et nous avons un certain nombre de producteurs de musique de premier plan dans le monde.
En ce moment, d’énormes investissements sont en train d’être entrepris en Suède dans la production d’acier sans fossiles et de batteries de véhicules émergents. Ce qu’il faut retenir, c’est l’approche suédoise : nous sommes un petit pays et avons toujours développé notre industrie et notre économie en interaction avec le monde extérieur. Pour nous et nos entreprises, il est naturel de voir nos partenaires « sur un pied d’égalité ». C’est notre façon de faire.

Quel sont les secteurs économiques susceptibles de dynamiser les relations algéro-suédoises ?
L’Algérie aspire à diversifier son économie. Dans ce contexte, je crois que des partenariats existants et nouveaux peuvent être développés. Je citerais par exemple la fabrication de camions poids lourds, notamment comme base de production régionale, c’est-à-dire aussi destinée à l’exportation, avec une plus grande intégration qu’auparavant dans les chaînes de production internationales.
Bien sûr, la Suède continuera d’être un fournisseur très fiable de systèmes de téléphonie mobile à travers l’équipementier des télécoms Ericsson qui est un leader mondial dans son secteur. La 5G offrira des opportunités et des applications supplémentaires. On peut s’imaginer autour de cette nouvelle infrastructure de nouveaux écosystèmes commerciaux et modèles d’affaires. J’ai eu l’occasion de voir cela quand j’étais en poste au Brésil, en Chine, et dans d’autres pays.
La Suède est à l’avant-garde en matière de transition énergétique. Nous développons de nouvelles technologies, des innovations et, surtout, des modèles d’affaires. Le gouvernement, l’industrie et la recherche ont uni leurs forces pour rendre la Suède neutre en énergie fossiles d’ici 2045.
Des modèles d’affaires dans le secteur d’énergie non fossile sont en pleine émergence en Suède. Longtemps réputé pour son coût élevé par rapport à celui des sources d’énergie traditionnelles, le solaire est désormais bien moins cher. Prenez par exemple la production « d’hydrogène vert », c’est à dire à partir de l’énergie solaire – dont les prix sont en forte baisse avec le développement des énergies renouvelables. L’hydrogène est quasi-exclusivement utilisé pour des usages industriels dans la chimie et le raffinage. Demain, ses capacités en tant que vecteur d’énergie pourraient jouer un rôle majeur dans le domaine des transports, dans les filières gaz, dans la production d’électricité et de chaleur. Nous pouvons illustrer l’utilisation de l’hydrogène vert en Suède par le projet suédois Hybrit – Production d’acier sans énergie fossile – conçu par les entreprises suédoise LKAB et Vattenfal. HYBRIT a pour objectif de remplacer le charbon à coke traditionnellement utilisé dans la fabrication de l’acier à partir de minerai de fer par de l’hydrogène. Le résultat est révolutionnaire et sans équivalent : la première technologie de production sidérurgique sans énergie fossile au monde, avec une empreinte carbone pratiquement nulle. La réussite du projet HYBRIT permettra de réduire les émissions de CO2 de la Suède de 10%.
L’Algérie peut certainement aussi s’intégrer plus dans les chaînes de valeur industrielles, dans les TIC et les startups. Aussi, pour nos relations je vois un potentiel dans les produits alimentaires de haute qualité et, bien sûr, dans le tourisme.

Comment se portent aujourd’hui les échanges commerciaux entre les deux pays
Bien plus que ne le suggèrent les statistiques commerciales bilatérales. Cela s’explique par le fait que les entreprises suédoises font partie des chaînes de valeur mondiales, c’est-à-dire que le commerce de produits et services se fait à travers plusieurs autres pays avant d’arriver en Algérie. De telles chaînes induisent souvent à la création de partenariats innovatifs.
Mais l’important consiste de savoir où est la valeur créée par les entreprises suédoises, et comment elle peut être augmentée. L’Algérie est un marché important pour Ericsson, Volvo Trucks, Atlas Copco, Tetra Pak. Quand elles et d’autres entreprises investissent en Algérie, il ne s’agit pas seulement de chiffres mécaniques d’importation et d’exportation, ou de quotas mécaniques sur le contenu local. Les entreprises suédoises sont connues pour créer des valeurs dans une interaction continue et – surtout – basée sur les conditions données dans chaque cas. Il est dans leur intérêt de développer les connaissances, les compétences, et les capacités d’innovation localement. Dans le passé, on parlait souvent de « Transfert de technologie » ; aujourd’hui, nous parlons de « Partenariats pour l’innovation ».
Nous pensons que le libre-échange et l’accord d’association entre l’Union Européenne et l’Algérie peuvent être bénéfiques à cette évolution à laquelle nous aspirons.

De quelle façon la Suède peut-elle accompagner l’Algérie dans sa quête de diversification de son économie ?
La Suède avec son gouvernement, ses entreprises et ses écosystèmes innovants peut partager les expériences qui l’ont conduit à ce qu’elle est aujourd’hui, comment nous nous préparons à la troisième révolution industrielle ? Par exemple, nous pouvons partager avec l’Algérie notre mise en œuvre du modèle dit « triple helix » c’est à dire comment le gouvernement, les entreprises et la recherche travaillent ensemble pour l’innovation et les nouveaux modèles d’affaires.
Deuxièmement, il est de notre devoir (ambassades, organisations commerciales et entreprises) de veiller à ce que nous ayons suffisamment d’informations mutuelles sur ce qui se passe dans nos pays respectifs. Nous devons croire au développement et au progrès. Espérons que le nouveau monde et la nouvelle économie qui émergera post COVID nous donnera de nouvelles opportunités et de nouveaux modèles d’affaires. Personnellement, j’y crois vraiment.
H. N. A.

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