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Des experts décortiquent l’état de l’économie nationale : «Nécessaire changement de paradigme économique»

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En dépit des performances réalisées par certains secteurs économiques, notamment l’agriculture et les services marchands, ayant contribué à une croissance de l’ordre de 1,5%, du Produit intérieur brut (PIB), au 1er trimestre 2019, l’économie nationale ne montre pas encore de vrais signes de décollage. Réunis à l’occasion d’un débat organisé par le Forum mensuel du Forum des chefs d’entreprises (FCE) le mois de septembre écoulé, des experts économiques de renom étaient unanimes à dire que la situation est désormais préoccupante.

Par Hacène Nait Amara

Dominance de la sphère publique sur l’économie, dépendance quasi-totale aux hydrocarbures, diversification économique insuffisante, inexistence d’un marché financier et système bancaire archaïque ». Telles sont, entre autres, les carences relevées par le panel des experts, qui ne se sont pas contentés de dresser l’état des lieux de notre économie, mais ont tenté également d’apporter des solutions à la crise. Mohamed Cherif Belmihoub, éminent professeur, docteur en économie et gestion, affirme que le mal de l’économie algérienne réside dans le fait qu’elle continue, depuis l’Indépendance, à être régulée par les dépenses publiques et non pas par le marché. Selon lui, « une nouvelle gouvernance économique s’impose, avec une transformation indispensable de la structure de l’économie nationale ».
Pour lui, au-delà des calculs comptables des indicateurs économiques, la nouvelle gouvernance doit adopter « une vision à long terme basée sur des réformes audacieuses, une gestion plus rationnelle des subventions, une régulation par le marché et une rupture définitive avec le modèle rentier ». Le recours au financement non conventionnel, communément connu sous l’appellation planche à billets, était-il bénéfique, comme l’a-t-on prétendu, à la relance économique ? Certainement pas, avoue l’expert en finance internationale, Hachemi Siagh, précisant que « si le recours à la planche à billets se poursuit, la situation va être encore plus tendue » appelant par la même, à engager une révision du système financier du pays, « la mère des réformes », comme la définit-elle, pour faire sortir l’économie nationale du statu quo et faire face aux répercussions de la conjoncture internationale jugée mauvaise, du fait du ralentissement de l’économie mondiale et de la demande énergétique.
L’une des solutions préconisées serait de recourir à une évaluation externe auprès d’une agence de notation financière, spécialisée dans le «rating», pour améliorer la notation du pays et encourager, ainsi la venue des Investissements directs étrangers (IDE). Beaucoup d’entreprises privées, génératrices de richesses, ne sont pas mises à profit pour booster l’activité économique. D’où la nécessité de changer de paradigme en permettant au secteur privé de prendre le relais, souligne Hachemi Siagh, et d’encourager toute initiative visant à valoriser la vertu du travail.
Il faut dire, à ce propos, que dans une conjoncture pareille, la situation des entreprises, cheville ouvrière de l’économie, ne peut être qu’inquiétante. C’est ce qu’affirme, d’ailleurs, Farid Bourennani, expert en ingénierie financière et stratégie de croissance des entreprises, qui propose la création d’un fonds de garantie pour aider les entreprises en difficulté, opter pour la convertibilité du dinar pour libérer l’entreprise et accroître sa marge de manœuvre, « tout en mettant fin au phénomène de la surfacturation qui gangrène l’économie nationale ». Le même constat est partagé par le président de l’organisation patronal (FCE), Samy Agli. Selon lui, de nombreuses entreprises, notamment du secteur privé, se trouvent dans une situation difficile, leurs activités étant réduites par manque de commande publique et de lignes de crédit.
H. N. A.

Ils ont dit..
Sami Agli, président du FCE
« Désormais, nous nous occuperons que de l’économie »

Qu’est-ce qui a motivé la relance du cycle des débats du FCE, après plusieurs mois d’interruption ?
Nous avons décidé de relancer le cycle des débats du FCE parce qu’il a prouvé sa réussite au cours des dernières années, ayant été un espace de partage entre chefs d’entreprise et experts pour réfléchir sur les questions économiques de l’heure.
Cette rencontre mensuelle fera partie dorénavant des activités régulières du Forum qui s’est fixé un plan d’actions, avec un certain nombre d’activités qui seront lancées en priorité. Il s’agit notamment de la redynamisation de l’ensemble des actions du Forum auprès de ses membres, en ce sens que nous allons œuvrer à se rapprocher plus que jamais de nos membres à travers des rencontres régulières, nationales et régionales pour s’écouter et savoir comment allons-nous être utiles et assurer notre rôle comme force de proposition. Je dois rappeler ici, l’engagement exclusif du FCE à l’économie. Le Forum ne s’occupera désormais d’aucune autre action à part celle liée à l’économie. Nous nous attellerons également à assurer des services aux entreprises membres du Forum, à travers entre autres des cycles de formation qui vont être lancées prochainement, et la digitalisation des actions des entreprises. Plusieurs commissions ont été déjà installées pour le lancement effectif des activités du Forum, à l’exemple de la commission « climat des affaires », la commission « acteur féminin », la commission « économie numérique ».
H. N. A.

Mohamed-Cherif Belmihoub, Professeur de management et d’économie
«Ventiler la règle 51/49 % »
Certains disent que le problème des investissements étrangers en Algérie réside dans le fait que les nationaux n’ont pas encore les capacités managériales pour gérer des entreprises dominantes à capital étranger, mais en détiennent tout de même 51%. Qu’en pensez-vous ?
C’est tout le contraire justement. Si l’entreprise étrangère est majoritaire et vient avec sa gouvernance, le problème ne se serait pas posé. Beaucoup d’entreprises étrangères ne sont pas venues en Algérie parce que la règle du 51/49 % leur faisait peur. Nous ne sommes pas en mesure de gérer une technologie et une stratégie d’entreprise à l’international. Nous avons besoin de la participation d’une entreprise étrangère dans laquelle nous pouvons avoir une participation dans le capital mais pas forcément à hauteur de 51/49 %. Il faudrait ventiler ce principe en fonction du contexte de chaque entreprise et chaque secteur, selon le besoin en matière de management, de certification, de fonds, ou de technologie. L’inconvénient de cette règle réside dans le fait de la rendre figée. Un pacte des actionnaires se négocie en fonction des responsabilités et droits et obligations de chacun. Nous avons aujourd’hui des exemples de pacte d’actionnaires qui sont très bien conçus même sous cette règle de 51/49 %. Il faudrait donc ne pas en faire une règle universelle et la réserver à certains secteurs seulement.
H. N. A.

Hachemi Siagh, expert financier international :
« L’endettement, un mal nécessaire »
Des experts plaident pour la convertibilité du dinar comme solution à certaines difficultés financières. Qu’en est-il réellement ?
La convertibilité du dinar est une question qui a été souvent débattue. En fait, cette convertibilité est souhaitable mais non faisable pour le moment. Il faudrait qu’il y ait certains préalables et que l’économie génère d’abord des devises à l’exportation hors hydrocarbures. Lorsque le compte capital à la Banque central est positif et que les IDE affluent, il devient plus intéressant de ramener de l’argent que de le sortir. On pourra parler à ce moment là de la convertibilité du dinar. Il faut changer totalement les paradigmes de l’économie algérienne pour songer à passer à la convertibilité du dinar. Pour le moment, c’est pratiquement impossible. En revanche le recours à l’endettement extérieur serait aujourd’hui « un mal nécessaire », ou du moins, une piste à explorer pour remettre la machine économique en marche. En tout état de cause, compter uniquement sur les revenus du pétrole devient aujourd’hui une absurdité, d’autant que la crise que connaît l’économie mondiale impacte directement l’économie nationale qui, elle, a besoin d’un prix de baril de pétrole moyen à 116 dollars pour équilibrer son budget.
H. N. A.

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