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Jean-Baptiste Ntukamazina, Secrétaire Général de l’OAA : « Grâce à la transformation digitale, l’assurance a un avenir en Afrique »

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L’Organisation Africaine des assurances (OAA) a fait une véritable démonstration de sa force fédérative, ici à Alger, que prolongeaient les efforts soutenus des pouvoirs publics et des assureurs algériens, faisant de la 49e Conférence de l’organisation panafricaine une grande réussite et, surtout, le vecteur d’une thématique qui mobilise tout le monde. Les 1.800 participants ont contribué à la prise de résolutions qui devraient dynamiser l’action des assureurs dans leurs juridictions respectives au service de l’innovation, elle-même au service d’une plus grande adaptabilité et accessibilité du produit d’assurance, dont le rôle crucial, identifié et bien compris, est de contribuer à la sécurité alimentaire des Africains, en préservant et en pérennisant l’outil de production agricole africain. Le Secrétaire général de l’OAA, Jean-Baptiste Ntukamazina, aborde avec nous toutes ces questions, dont celle de l’enjeu du réchauffement climatique et ses effets néfastes sur le continent, tout en affichant son optimiste sur le fait que les générations du digital n’auront aucun mal à adopter la culture de l’assurance.

Interview réalisée par Hacène Nait Amara

Le Secrétariat Général de l’OAA s’est mobilisé pour organiser et reporter l’ensemble des travaux de la 49e rencontre d’Alger, en présence de près de 2.000 participants. Quelle suite et quel suivi le SG donnera-t-il à ce travail après l’événement ?

Permettez-moi d’abord de saisir cette occasion pour remercier le peuple algérien, le Président de la République, le Gouvernement, les assureurs algériens, ainsi que le comité d’organisation de la 49e Conférence de l’OAA qui ont tout fait pour organiser, pendant presque une semaine, une conférence mémorable. Tout le monde est content, dont les centaines de délégués qui se sont retrouvés dans un cadre très agréable au milieu d’une organisation parfaite. Concernant la onférence proprement dite, il y a certaines résolutions qui ont été prises et en tant que Secrétariat Général de l’OAA, nous allons veiller à ce que ces résolutions soient mises en œuvre. Le plus important dans cette rencontre, c’est l’échange d’information, car il est crucial que tous les pays d’Afrique puissent partager des informations. D’ailleurs, le thème de la sécurité alimentaire mobilise tout le monde, autant les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile, bref tout le monde. En fait, l’Afrique, surtout l’Afrique subsaharienne, souffre de calamités naturelles : sécheresses, inondations, de pollution mondiale à l’origine du réchauffement climatique et ses effets. Cela alors que l’Afrique ne pollue pas. Il nous appartient, donc, en tant qu’Africains de trouver des solutions à nos problèmes, et c’était l’objectif de cette rencontre entre les assureurs pour contribuer dans la recherche de solutions, bien entendu, du point de vue de l’assurance.

L’OAA est née en 1972 pour répondre à un manque à être en tant qu’organisation qui fédère le développement des assureurs africains. Comment peut-on évaluer le parcours de plus de 50 ans de cette organisation ?

Effectivement, l’année passée, l’OAA a fêté ces 50 années d’existence ; c’était une occasion d’évaluer le chemin déjà parcouru, de voir ce qui a déjà été fait, de faire une analyse du présent pour se projeter dans l’avenir. Je pense que le plus important aujourd’hui, c’est d’avoir une organisation inclusive qui intègre une organisation de femmes, une association des assureurs, une association pour les réassureurs, une association pour les courtiers en assurance et une autre pour les jeunes professionnels du domaine. Avec tout ce monde, nous voulons être une organisation inclusive qui associe tout ce monde à une réflexion qui concerne le développement de l’Afrique, car nous sommes convaincus que les idées qui viennent d’ailleurs n’aideront pas l’Afrique à avancer. Nous devons inventer nous-mêmes nos méthodes, nos stratégies pour faire face aux défis du moment. Il y a des problèmes qui ne dépendent pas de nous et je remarquais au début que l’Afrique qui n’a jamais pollué, est en train de subir les effets de la pollution. Le changement climatique est sévèrement ressenti en Afrique avec cette réalité que sur les dix dernières années, six sur les dix catastrophes naturelles qui ont eu lieu dans le monde, ont frappé notre continent. Nous devons donc être très attentifs à cette réalité, sensibiliser les jeunes qui portent l’avenir, et mobiliser tout le monde pour imaginer et trouver des solutions à nos problèmes. L’OAA agit constamment en direction des assureurs pour les sensibiliser à l’innovation et les aiguiller vers l’utilisation de la technologie afin de faire face aux risques qui nous entourent.       

Quelles sont les réformes que l’OAA a entreprises pour se mettre au diapason de la révolution digitale ?

A mon sens, l’utilisation des technologies, c’est quelque chose de très important à l’ère digitale. Les assureurs africains doivent s’adapter, et se sont même, pour la plupart, adaptés et ont surtout accéléré l’adaptation au digital pendant la période pénible du Covid. Très peu de gens avaient la possibilité d’aller chercher la police d’assurance ; tout se donnait en ligne. Aujourd’hui, ce qui était imposé par la pandémie, est devenu un choix généralisé à telle enseigne qu’il est devenu possible de souscrire son contrat d’assurance, de déclarer son sinistre et de vous faire indemniser en ligne. C’est là un exemple qui illustre comment les assureurs se sont adaptés au digital, mais il y a autre chose. Les assureurs recourent aujourd’hui aux drones et aux satellites pour optimiser leur travail. Ils utilisent les satellites pour prévoir ce qui va se passer et mesurer ainsi la part de pluviométrie et de sécheresse. Ils utilisent les drones pour surveiller les plantations. Il faut le dire, les assureurs sont aujourd’hui pleinement conscients de l’importance du recours aux technologies, aux avancées scientifiques pour préserver leurs activités et apporter le meilleur service possible aux assurés. Si vous prenez aujourd’hui ce qu’on appelle la blockchain, vous vous rendez compte que les assurances travaillent aujourd’hui entre elles de façon transparente, se partagent la police d’assurance, se réassurent sans avoir à se déplacer, en ayant accès, simultanément à l’information en toute transparence. Donc, la comptabilité, la souscription, les réserves, les provision techniques, etc., tout cela, vous pouvez le réaliser sur une police d’assurance alors que vous êtes, vous et votre client, à des milliers de kms l’un de l’autre, outre le fait que vous conservez les données et que celles-ci dans leur intégralité sont garanties grâce à la block chain.

Quelles est la raison de la faiblesse du marché africain des assurances que les chiffres donnent comme le dernier à l’échelle planétaire ?

Il faut comprendre que la raison de la faiblesse du marché algérien des assurances est une combinaison de plusieurs facteurs. Le pouvoir d’achat en fait partie, car il détermine, à lui seul, la prise ou pas de l’assurance. Comment souscrire une police d’assurance quand on n’a pas de revenu pour manger ou pour scolariser ses enfants ? Il est certain, dans ce cas, que l’assurance devient, pour les personnes dans de telles situations sociales, le cadet de leurs soucis. Il faut ajouter au pouvoir d’achat un autre problème plus déterminant, à savoir la culture. Chez nous en Afrique on est plus enclin à rechercher la solidarité familiale ou sociale qu’à s’assurer. Mais il faut le dire, les temps changent, et l’assurance tend à devenir une option car compter sur la solidarité d’autrui devient de plus en plus hypothétique, chacun ayant ses dépenses, ses soucis et ses tracas quotidiens. Parmi les facteurs de la non-assurance, vous avez aussi le manque d’instruction. Les populations qui n’ont pas reçu l’instruction nécessaire et suffisante ne peuvent pas ne peuvent pas être sensibilisées sur les risques qui les entourent. A cette combinaison de facteurs, s’ajoutent aussi des raisons liées à la profession, à savoir le fait qu’il n’y a pas eu assez d’innovation dans les produits d’assurance, les uns et les autres se contentant de proposer des produits classiques tels que l’assurance automobile et l’assurance incendie, ne pensant pas à innover et à concevoir des produits qui répondent réellement aux besoins des populations. Mais je crois que cette réalité est en train d’évoluer, puisque les jeunes, aujourd’hui, avec l’accès à l’information vis les multimédias, sont plus et mieux informés, plus et mieux formés, et plus ouverts. D’où notre optimisme quant à la croissance à venir du marché africain des assurances. C’est aussi une question de conscientisation. D’ailleurs, l’une des conséquences de la transformation digitale et de la mondialisation, c’est la transparence et c’est la circulation de l’information et la transparence qui sont les vecteurs d’une acceptation, par les jeunes Africains, de la culture de l’assurance.  

H. N. A.

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