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Transition Economique : L’expérience des pays de l’Europe de l’Est en débat à Alger

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Des experts d’Europe de l’Est, représentant respectivement la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque, ont présenté les expériences de leurs pays en période de transitions politiques et économiques.

Par Lynda Mellak

Intervenant lors d’un séminaire organisé par le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) le 12 juin écoulé à Alger, en collaboration avec les ambassades respectives de quatre pays de l’Europe de l’Est, les experts ont expliqué que les conditions dans lesquelles les périodes de transition sont mise en œuvre diffèrent d’un pays à un autre. Toutefois, ils étaient unanimes à souligner les bienfaits de la transition d’une économie dirigée vers l’économie de marché, entamée dans leurs pays respectifs dès la fin des années 1980, notamment  pour ce qui est du niveau de développement et de productivité de leurs économies respectives, tout en reconnaissant qu’il y avait toujours un prix à payer et à assumer sur le plan social. Ces experts ont également reconnu que les réformes structurelles concrétisées dans leurs pays ont été accélérées par leurs adhésions à l’Union Européenne (UE) qui a fortement soutenu la transition dans ces pays.
Dans le cas de l’Algérie qui a engagé un processus de restructuration de son économie, l’expérience des ex-pays communistes a montré que le processus de transition est long, complexe et difficile.  Apprendre des expériences des autres s’avère fondamental dans ce contexte de recherche de solutions pour éviter le pire ou choisir le meilleur pour l’Algérie.
S’appuyant sur les expériences de ces pays, le Care, organisateur de cet événement, compte élaborer une feuille de route sur la transition économique qu’il compte soumettre aux pouvoirs publics.
L. M.

Paroles d’experts

Slim Othmani, président du CARE

Selon Slim Othmani, président du CARE et néanmoins PDG du NCA Rouiba, un processus de transition économique doit être impérativement lancé dans les plus brefs délais en Algérie pour ne pas compromettre l’avenir du pays. Il dit que «le pays regorge d’opportunités qu’il devrait saisir, ce qui va lui permettre d’éviter la crise économique qui se profile sans trop de dommages collatéraux. Il suffira seulement, pour ce faire, de trouver la bonne stratégie à mettre en œuvre afin d’assurer le succès à notre économie. Il existe dans les expériences polonaise, hongroise et tchèque de transition économique des réponses aux questions que se posent les décideurs, les experts et les chefs d’entreprises algériens», a-t-il estimé
Afin de parvenir à sortir de nos difficultés actuelles, a soutenu Slim Othmani, «l’Algérie peut s’inspirer de l’exemple de pays qui sont passés d’une économie dirigée à une économie de marché». Pour lui, l’impératif est de ne pas s’attarder sur des questions purement idéologiques et de se fixer des objectifs à réaliser dans des délais raisonnables auxquels sont parvenues les économies des anciennes Républiques de l’Europe de l’Est.
Il a souligné par ailleurs que les experts du CARE qu’il préside travaillent sur l’élaboration d’une feuille de route, inspirée des expériences d’autres pays, pour bien mener la période de transition économique en Algérie. «Aujourd’hui, il faut s’assoir sur la même tables, pouvoirs publics, acteurs économiques et chefs d’entreprises, pour réfléchir sur la question. Nous savons pertinemment que ces pays sont très différents de l’Algérie, mais il est toujours utile de tirer les leçons de leurs expériences», a-t-il recommandé.

Filip Mudyna, expert polonais en droit des affaires et chef du bureau commercial étranger à Alger

La Pologne avait opté pour une «thérapie de choc» visant à se débarrasser rapidement de l’économie dirigée. Selon cet expert en droit des affaires, ce choix a été rendu possible grâce à l’existence d’une forte volonté politique qui ne s’est pas amenuisée avec le temps. La transition économique entamée en Pologne en 1989 a été, pour lui, un «franc succès» sur le plan économique. Mais il a fallu attendre plus de 25 ans après, pour entamer, il y a 4 ans seulement, les grandes réformes de la politique sociale du pays.

Entre 1989 et 2019, la croissance économique du pays, a-t-il indiqué, est passée de -11,6% à +4,6%, le PIB est passé de 228 milliards de dollars à 1.193 milliards de dollars. Idem pour les exportations qui ont connu une augmentation considérable, passant de 19 milliards de dollars à 262 milliards de dollars, alors que l’inflation a simplement baissé de 251,1% à 2,3% seulement. Mais du fait des privatisations, a-t-il précisé, le taux de chômage a grimpé de 0,3% en 1989 à 20,6% en 2003 avant de redescendre à 5,6% en 2015.
En plus, la grande ouverture de la Pologne sur les IDE a fait que les deux tiers des exportations soient contrôlées par les capitaux étrangers, privant l’Etat d’une bonne partie de ressources en devises, laquelle est rapatriée à l’étranger, a-t-il ajouté.

Omar Berkouk, économiste et consultant6456

L’imminent économisten Omar Berkouk, a, pour sa part, indiqué que l’économie de l’Algérie ressemble à celle qu’avaient ces trois pays (la République tchèque, la Hongrie et la Pologne), avant la chute du Mur de Berlin en 1989. Selon lui, Il est intéressant de savoir comment ils sont passés d’une économie administrée et planifiée à une économie de marché.Les leçons hongroise, polonaise et tchèque résident, a-t-il dit, dans le courage de ses pays d’avoir affronté des changements structurels de leurs systèmes et d’avoir eu le courage de procéder aux réformes qui ont été porteuses de solutions, voire de performance pour leurs économies.
La transition économique en Pologne en 1989 a été un «franc succès». Mais il a fallu attendre plus de 25 ans après, pour entamer, il y a 4 ans seulement, les grandes réformes de la politique sociale du pays.
C’est pourquoi, il n’y a pas d’autres choix que d’aller vers des réformes structurelles de notre économie», a-t-il suggéré.

Tomáš Sedlácek, économiste tchèque

L’économiste tchèque, Tomáš Sedlácek, a montré lors de son intervention comment la réforme des systèmes bancaires et financiers et la petite et moyenne entreprise sont devenus le fer de lance du renouveau économique dans son pays. L’économie tchèque tire sa force, selon Tomáš Sedlácek de son secteur bancaire qui était le seul secteur à échapper à la privatisation, tout en s’appuyant sur une politique d’encouragement des IDE.  «Nous avons voulu éviter que le capital politique se transforme en capital économique, éviter une redistribution des ressources au profit des oligarques, nous avons donc opté pour une ouverture massive sur les IDE», a-t-il souligné.
Selon lui, la réussite de la transition économique doit reposer sur trois piliers : la connaissance des forces du marché, le maintien du rôle régalien de l’Etat et notamment le respect de l’éthique économique.

Árpád Kovacs, financier et économiste hongrois

Selon l’économiste hongrois, Árpád Kovacs, en Hongrie, la transition a été plus progressive mais avec «un coût social important» et «beaucoup d’inégalités». En Hongrie, la transition économique s’est faite à travers le recours massif aux IDE. Pour réussir sa transition, explique l’expert, le pays s’est fait accompagner par des institutions de contrôle qui ont supervisé le processus et empêché la survenue de dérives majeures. Árpád Kovacs indique que la transition économique dans son pays avait suivi un processus plus graduel. Une tentation d’une transition de choc a été d’ailleurs vouée à l’échec en 1996, après avoir été rejetée par la population. Les banques hongroises étaient incapables de soutenir le processus des privatisations, dit-il, ce qui a conduit à une liquidation massive des biens de l’Etat et une ouverture massive sur les IDE dans la perspective d’avoir les capitaux nécessaires au développement. «D’une économie où le privé représentait 40% en 1990, le pays est passé à une économie privatisée à 90% actuellement.
Les 10% restant sont gérés par l’Etat et portent sur le secteur pétrolier, l’électricité, l’industrie automobile et certaines industries manufacturières», a-t-il indiqué.
L. M.

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