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UNE INTERVENTION FONDATRICE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA BID : Appel à l’action pour des économies résilientes et inclusives

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Dans un discours d’ouverture à la tonalité à la fois lucide, analytique et profondément volontariste, Rami Ahmad, Vice-président des opérations à la Banque islamique de développement (BID), a dressé un état des lieux sans complaisance des vulnérabilités structurelles qui affectent les 57 pays membres de l’institution. Il a notamment mis l’accent sur leur forte dépendance aux matières premières : « Près de 70 % de nos pays membres sont dépendants de ressources spécifiques, qu’il s’agisse des hydrocarbures dans le Golfe, de l’agriculture en Afrique subsaharienne ou des minerais en Asie centrale. » Cette dépendance, a-t-il souligné, constitue une faiblesse économique majeure, surtout dans un contexte mondial de plus en plus marqué par la volatilité des marchés, les aléas climatiques et les déséquilibres géopolitiques.

Àcela s’ajoute un facteur aggravant : la fragilité croissante de nombreux États membres, qu’elle soit institutionnelle, économique ou sécuritaire. « Trente et un de nos 57 pays sont en situation de fragilité », a-t-il noté. Une donnée d’autant plus préoccupante que les effets des crises contemporaines s’y cumulent : catastrophes naturelles, pandémies, conflits armés, migrations forcées. « En 2024 seulement, plus de 43 millions de personnes ont été déplacées dans nos pays membres », a-t-il alerté, appelant à une prise de conscience collective sur l’ampleur du phénomène.

Dans ce contexte, Rami Ahmad a plaidé pour une stratégie intégrée qui articule diversification économique et résilience. « La résilience seule, sans diversification, risque d’accentuer les inégalités et de laisser les plus vulnérables de côté », a-t-il averti. Il a cité plusieurs exemples de pays membres qui ont su engager des réformes profondes, comme l’Indonésie avec sa politique de transformation industrielle en aval, le Maroc misant sur les énergies renouvelables, ou encore l’Égypte et son développement de la zone économique du canal de Suez. Le Golfe n’est pas en reste, avec les visions 2030 et 2050 de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, respectivement, qui cherchent à créer des économies diversifiées fondées sur le savoir, le tourisme et les technologies.

Mais ces efforts restent encore isolés. Rami Ahmad a insisté sur la nécessité d’une coordination à l’échelle régionale et multilatérale. Selon lui, « seulement 25 % de nos pays membres disposent aujourd’hui de stratégies nationales pleinement opérationnelles qui intègrent à la fois les objectifs de diversification économique et les impératifs de résilience climatique ». Cette lacune traduit un écart important entre les engagements pris au niveau international et les dispositifs effectivement mis en œuvre sur le terrain.

Pour combler cet écart, la Banque islamique de développement s’est dotée d’outils concrets. Le Vice-président a rappelé le lancement du cadre d’action pour une « transition juste », conçu pour guider les pays membres dans leur évolution vers des économies plus vertes, plus inclusives et socialement équilibrées. Il a également mis en lumière les 5,5 milliards de dollars mobilisés en trois ans pour le financement climatique, dont 47 % ont été spécifiquement alloués à l’adaptation – une priorité dans les contextes marqués par la double menace du changement climatique et des conflits prolongés.

Il a aussi cité le programme STEP (Skills Training and Education Programme), financé à hauteur de 62 millions de dollars, qui soutient la formation professionnelle et l’accès à l’éducation pour les populations déplacées dans 15 pays, dont le Liban, la Turquie et le Tchad. « C’est un projet structurant qui vise à reconstruire les capacités humaines là où elles ont été fragilisées par la crise », a-t-il souligné. En complément, la Banque s’apprête à lancer un Fonds de réponse et de résilience, doté d’un mécanisme de financement concessionnel, avec pour ambition de venir en aide à plus de 10 millions de personnes affectées par les chocs climatiques ou les conflits.

Sur le plan de l’autonomisation des femmes, il a mis en avant le programme « Women IT » au Nigeria. « Plus de 73 000 jeunes filles et femmes y ont été formées aux compétences numériques », a-t-il précisé. Pour lui, le capital humain – et en particulier les femmes et les jeunes – constitue le socle d’un développement réellement résilient.

En conclusion, Rami Ahmad a lancé un appel à la mobilisation générale. 

« La diversification n’est pas seulement un objectif économique, c’est un bouclier contre les chocs futurs et un chemin vers la paix, la prospérité et les opportunités », a-t-il affirmé. Il a exhorté les pays membres, les institutions multilatérales et les partenaires au développement à coopérer davantage, à mutualiser les bonnes pratiques et à bâtir ensemble des économies inclusives, durables et robustes. Son message, empreint d’une urgence maîtrisée, a posé les bases d’un agenda d’action ambitieux et concret pour les années à venir.

B. K.

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