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Abderrahmane Messaab, directeur-gérant de Al-Mokadem Distribution : «Nous devons absolument améliorer notre valeur ajoutée à l’internationale»

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L’Algérie et le Nigeria ont affirmé leur volonté de redynamiser les relations bilatérales et de consolider leur coopération dans les différents domaines. Les opportunités d’affaires étaient au centre des discussions entre les représentants des deux pays à l’occasion de la tenue d’une journée d’information sur «le potentiel des échanges commerciaux et opportunités d’affaires entre les deux pays», organisée par la Chambre algérienne de Commerce et de l’Industrie (CACI) en collaboration avec l’Ambassade de Nigeria en Algérie le 18 mars écoulé au Palais des Expositions à Alger. A cette occasion, Indjazat est allée à la rencontre de Abderrahmane Messaab, un des rares opérateurs algériens ayant une présence effective sur ce marché et dans d’autres pays subsahariens à travers un groupe spécialisé dans la distribution de plusieurs produits algériens. Dans un échange très spontané, il nous livre quelques clés pour mieux comprendre les marchés de l’Afrique subsaharienne et les raisons qui entravent l’accès des produits algériens à ces marchés.

Par Hamid Mohandi

Pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure le Nigeria est un pays particulièrement stratégique pour l’Algérie ?
Rien que de savoir que tous les pays du monde se bousculent actuellement au portillon du Nigeria afin d’assurer une présence sur son marché, cela devrait nous faire réfléchir. Aujourd’hui, le Nigeria apparaît aux yeux de tous comme un pays qui revêt une importance stratégique dans la mesure où il regorge de ressources naturelles et compte plus de 220 millions d’habitants pour un PIB de 400 milliards de dollars. Le pays sera donc amené à produire et à consommer plus, et c’est la raison pour laquelle nous devons, nous aussi, être présents dans ce pays.

Des statistiques démontrent à quel point les échanges commerciaux entre les deux pays sont insignifiants ou infimes. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?
Les intervenants ont avancé des chiffres si dérisoires qu’il me semblait évident de les reprendre durant mon intervention. Je trouve en effet qu’il est anormal que l’Algérie exporte vers le Nigeria entre 350 000 à 500 000 dollars et elle en importe pour 700 000 dollars. Cela me paraît vraiment plus que dérisoire ; un petit revendeur d’un des fournisseurs algériens en l’Algérie réalise un chiffre d’affaires beaucoup plus élevé que ce qui a été avancé comme volume d’échanges entre les deux pays. Il est tout à fait anormal qu’on exporte vers plusieurs pays du monde et on ignore un marché prometteur disposant d’un énorme potentiel tel que celui du Nigeria.

En dépit de la proximité géographique, le fossé reste profond entre les deux pays. Comment expliquez-vous cette absence de connexion entre l’Algérie et le Nigeria ?
Cela s’explique probablement par l’absence d’une politique pouvant permettre à l’Algérie de se connecter avec les pays d’Afrique subsahariens, ou par un manque de connaissances. Cela va sans dire que nous devons, nous les Algériens, apprendre à mieux communiquer avec l’Afrique subsaharienne, car nous avons un énorme problème de communication qu’il faut absolument résoudre. Ce n’est certainement pas en raison d’une mauvaise volonté, mais juste parce qu’il n’y a pas eu assez d’échanges comme cela a été le cas avec les autres pays. Mais s’il y avait eu des échanges approfondis, notre frontière sera entièrement pleine de commerçants subsahariens qui viendront s’approvisionner en produits algériens, j’en suis très convaincu.

Aujourd’hui, tous le monde s’accorde à dire que la promotion des échanges commerciaux avec les pays subsahariens est fortement tributaire de la mise en place préalable d’une chaîne logistique efficace. Qu’en est-il de cette chaîne qui constitue à cet égard un levier indispensable ?
Vous avez beau à avoir le meilleur produit au monde, proposant le meilleur prix et offrant la meilleure qualité, mais si vous ne disposez pas de logistique, vous n’en avait rien. C’est précisément là que réside notre problème ; l’Algérie ne dispose pas d’une véritable infrastructure logistique. Certes, la route transsaharienne, dont certains axes doivent être réhabilités ou complètement refaits, est en partie opérationnelle, mais il faut communiquer davantage sur son existence et sur sa mise en service. Nous devons faire savoir aux différents pays subsahariens que l’Algérie est capable de livrer ses produits aux frontières et bien au-delà. L’export viendra de lui-même, par la suite.

Outre la logistique, existe-t-il d’autres créneaux qu’il faut absolument développer pour promouvoir ces échanges commerciaux, notamment en ce qui concerne la législation ?
Sur le plan législatif, l’Algérie a déjà signé l’accord créant la Zone de libre-échange continentale (Zlec). Mais en attendant la mise en place des mécanismes et la mise en œuvre de tous les accords liés à cette zone, les opérateurs économiques algériens sont appelés à s’y préparer encore davantage pour mieux acquérir une expérience en termes de valeur ajoutée internationale. C’est un point primordial, car sans une valeur ajoutée internationale, on ne pourra pas vraiment pénétrer ces marchés. Mais si celle-ci existe bel et bien, il serait donc opportun de la mettre en évidence.

Certains opérateurs expriment une certaine crainte au sujet du rapatriement des dividendes de leurs investissements dans ces pays africains. Cette crainte est-elle vraiment fondée, selon vous ?
Cette crainte existe réellement, elle est en revanche attribuable à un manque de connaissances de ces marchés. Il suffit, à cet égard, de s’entourer de gens qui connaissent parfaitement le terrain et le fonctionnement de ces pays pour que cette crainte soit dissipée. Il serait à cet effet déraisonnable de s’aventurer seul, et ce d’autant plus qu’il existe des bureaux de conseils qui peuvent être d’un grand apport dans ce domaine. Il convient de signaler, en outre, que bon nombre de gens dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ont fait les grandes écoles et investi eux-mêmes dans leur propre pays que ce soit au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ou au Nigeria. Ils disposent d’un niveau intellectuel et d’un savoir-faire très important qui permettent à n’importe quelle société algérienne de réaliser son investissement et de rapatrier facilement ses dividendes, en ayant les bons conseils.

Parlez-nous de votre expérience dans ces pays et de vos investissements
Avant tout, je me dois de vous préciser que nous ne sommes pas dans le secteur industriel, mais plutôt dans le domaine de la distribution. Nous sommes présents de père en fils depuis 1960 au Niger et dans le nord du Nigeria et nous avons également une présence dans d’autres pays tels que le Burkina Faso, le Ghana, le Mali et le Bénin. Nous avons, au fil du temps, beaucoup investi dans notre propre dépôt et dans notre propre réseau de distribution.

Est-ce que vous travaillez avec des opérateurs algériens ?
Nous travaillons déjà avec un certain nombre d’opérateurs et fabricants algériens. Nous avons réussi avec certains et échoué avec d’autres en raison d’une rude concurrence exercée par des opérateurs venant de l’Inde, de la Chine, la Turquie, l’Iran et de l’Egypte. Nous ne sommes pas en mesure d’en faire face, car quand bien même nous réussirons à mettre un produit sur le marché, d’autres paramètres peuvent parfois entrer en jeu pour nous contraindre à faire marche arrière. Ces paramètres ont trait à l’absence de la régularité dans le prix, la qualité et dans la disponibilité du produit. La fluctuation des prix et la non disponibilités du produit fragilise la résistance de ce dernier à la concurrence.

Qu’est qu’il faut pour maintenir ce cap et faire face à la concurrence des produits venus d’autres pays, pourtant si loin?
Un produit sans une valeur ajoutée internationale ne pourra jamais s’imposer devant la concurrence. Je m’explique : la valeur ajoutée nationale dont disposent les sociétés algériennes et grâce à laquelle peuvent se concurrencer mutuellement en interne, fond comme neige au soleil en dehors des frontières. Elles perdent cet avantage et ne deviennent plus compétitif, contrairement à nos concurrents qui restent beaucoup plus compétitifs même à l’étranger. Donc, nous devons absolument améliorer notre valeur ajoutée à l’internationale si nous souhaitons être compétitifs.

Mais si on tient compte de la proximité géographique, l’Algérie est beaucoup plus proche du Nigéria, à titre d’exemple, contrairement aux pays concurrents que vous venez de citer. Les frais liés à la distance et au coût de la logistique devraient peser sur le prix final des produits venant de ces pays. De ce fait, le produit algérien devrait être plus logiquement plus compétitif…
La logique des choses vaudrait que les produits algériens soient beaucoup plus abordables par rapport à ceux des pays concurrents compte tenu de la proximité entre les deux pays, mais puisque la logistique n’est pas encore développée, le coût de revient de nos produits reste très élevé. Il faut savoir que le coût de la logistique représente 30% du prix du produit.

Quelles sont les principales contraintes auxquelles s’est heurté votre groupe de distribution ?
Nous sommes confrontés à la fluctuation des prix des produits que nous distribuons, à l’absence de la logistique et à l’irrégularité dans la qualité et la disponibilité des produits. Une fois que nous serons en mesure de maîtriser tout cela avec nos fournisseurs et fabricants algériens, nous pourrons ainsi tenir le cap très longtemps.
M. H.

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