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Bouyoucef Lamri, PDG du groupe Ferrovial : «Ferrovial est désormais un acteur de l’essor industriel !»

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Arrivé à la tête de Ferrovial, constructeur public des matériels et équipements ferroviaires, au lendemain d’une gabegie managériale qui a failli mettre à terre un fleuron de son secteur en 2016,  Bouyoucef Lamri et l’équipe de cadres sur laquelle il a dû s’appuyer pour redresser la situation, une année plus tard, ont dû déployer une stratégie de crise pour renflouer l’entreprise, avant de s’intégrer, passée la tempête et les difficultés financières, dans la dynamique industrielle impulsée par le programme du Président de la République et mise en œuvre par le Ministère de l’Industrie, diversifiant sa gamme de produits, multipliant les accords de partenariats industriels et scientifiques, et se projetant sur des horizons de développement de ses activités qui devraient en faire un acteur important dans l’Algérie qui porte l’ambition de fabriquer une bonne partie de ses biens industriels et de conquérir de nouveaux marchés.

Interview réalisée par Djidji Obayou

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de votre groupe ?

Le Groupe FERROVIAL est un acteur public de la construction de matériels et équipements ferroviaires. Il a été créé en 1983 à la suite de la restructuration de la société mère « SN. METAL », «puis transformé en S.P.A en 1989. Nous tenons notre siège social sur l’axe routier Annaba-El Hadjar à quelques kilomètres du complexe sidérurgique. FERROVIAL a été rattachée en février 2015 au groupe SNVI. Actuellement, elle est érigée en EPE non affiliée placée sous la tutelle du Ministère de l’Industrie.

Au bout de quelques années seulement, Ferrovial est parvenue à faire face à ses difficultés financières et à réaliser des taux de croissance appréciables ? Comment expliquez-vous cette performance ?

Aussitôt installée à la tête de cette entreprise, la nouvelle équipe dirigeante a entamé un processus qui a consisté dans : (1) un diagnostic stratégique de l’environnement interne et externe et dans (2) un plan d’action à partir de la stratégie retenue.

La première approche a permis d’établir une situation de l’entreprise arrêtée au 31 décembre 2016 avec ses infrastructures de base, ses équipements de production et ses gammes de produits. Il était important pour nous de maîtriser ce passif pour démarrer sur de nouvelles bases. Dès lors, nous savions que les infrastructures et installations dataient des années 30 du siècle passé, qui se trouvaient dans un état très avancé de dégradation, des outils de production et des équipements de presque 50 ans d’âge. Il s’agissait d’une technologie dépassée, peu productive, accusant des arrêts fréquents induisant une cassure du rythme imprimé au niveau des processus avec des interventions quasi quotidiennes, des coupures d’électricité fréquentes, l’absence totale de l’outil informatique dans les processus de gestion et de conception,… Bref, un diagnostic on ne peut plus négatif.

Je n’oublie pas, par ailleurs, d’évoquer, dans ce diagnostic, celui qui a porté sur la gamme des produits usinés par Ferrovial jusqu’à 2016. En fait, l’entreprise se limitait, depuis toujours, à la fabrication de wagons de transport de marchandises tous types confondus (wagons plats, phosphatiers, ballasts, tombereaux, minéraliers, citernes, et dans les produits de travaux publics (pelles, brouettes, pioches, etc.,), ainsi que dans la quincaillerie et les produits forgés.

Cela avec un débouché unique sur le marché, à savoir : la Société nationale de transport ferroviaire (SNTF) qui était le seul client potentiel de Ferrovial et, par conséquent, le principal pourvoyeur de richesse. Ce qui a d’ailleurs mis l’entreprise dans une posture de dépendance totale de la SNTF, engendrant, par conséquent, des difficultés financières énormes durant les années antérieures avec un résultat déficitaire cumulé tout au long de ces dernières années, de l’ordre de 1.10 Milliards de DA.

La seconde approche a consisté dans l’élaboration d’un plan d’action sur la base de la stratégie retenue, avec un plan de redressement doté d’objectifs définis, qui a consisté dans une stratégie d’intégration nationale, dans l’analyse de l’environnement interne et externe de l’entreprise et la diversification des produits et des clients.

Au moment de notre installation en mars 2017, tous les indicateurs étaient au rouge et pouvaient conduire l’entreprise à une fermeture imminente. D’où les démarches entreprises pour sauver l’entreprise du risque de disparition, avec la mise en place d’un plan de redressement urgent échafaudé sur la base d’hypothèses et scénarios multiples. Dans ce cadre, Ferrovial a mis en place, pour ses futurs besoins en inputs de production, une cellule d’intégration nationale qui a vocation de s’inscrire dans un processus de substitution des produits importés par des produits fabriqués localement, notamment les produits sidérurgiques qui constituent les principaux intrants de Ferrovial. Le travail de la cellule en question a permis l’intégration de tous les produits sidérurgiques auprès du complexe d’El Hadjar, l’intégration progressive et partielle des produits moulés auprès de Fondal affiliée au Groupe IMETAL, l’intégration de la visserie et boulonnerie auprès d’ORSIM affiliée au Groupe AGM et, enfin, intégration des produits forgés et mécano-soudés auprès des ateliers de Ferrovial. Cet effort soutenu, qui est en fait un effort de sauvetage de l’entreprise, a permis d’atteindre un taux d’intégration de pas moins de 70%.

Qu’en est-il de la situation de gestion interne de l’entreprise et de l’environnement dont vous avez hérité ?

J’y arrivais justement. C’est le deuxième axe de notre plan d’action qui procédait de l’identification et l’exploitation des points forts et de la neutralisation, autant que faire se peut, des points faibles de l’entreprise. Ferrovial a, en effet, des atouts qui consistent dans sa haute technicité, son expérience cumulée, et une expertise et un savoir-faire indéniables, etc.. Mais elle avait, hélas aussi des brèches de différents ordres qu’étaient le manque de financement et la fermeture des comptes de l’entreprise par la banque pour raison de non-paiement des dettes rééchelonnées.

Cela sans oublier les arrêts fréquents des équipements et, conséquemment, la consommation excessive de pièces de rechange doublée d’une non-disponibilité de ces dernières, la vétusté avancée du poste électricité avec des coupures de courant quotidiennes, le caractère ample des charges fixes par rapport à la cadence imprimée à la production des wagons phosphatiers, liée à un contrat signé en 2011 et honoré seulement en 2017. Faut-il ajouter à tout cela, le problème de l’instabilité du personnel cadre à cause du niveau des salaires et l’irrégularité dans le versement de ces derniers. Je dois ajouter, pour terminer sur ce propos, que ce diagnostic des carences n’est pas exhaustif.

Au titre du troisième axe du plan d’action, comme je le précisais, nous avons décidé d’opérer une diversification des produits et des clients pour palier la structure obsolète de production et celle contraignante du mono-client. Il fallait éviter de faire de Ferrovial l’otage d’une source de commandes unique, qui constitue à mon sens, une menace et illustre un manque de diversification qui renvoie dos à dos le client et le fournisseur, tous les deux puisant leurs ressources au Trésor public. D’où la décision de faire de la sous-traitance hors wagonnage une filière créatrice de richesse, seul moyen, pour la nouvelle équipe, de faire sortir l’entreprise du déficit structurel dans lequel elle se débattait.

Les résultats de cette dernière ont permis à l’entreprise de pénétrer une dizaine de nouveaux marchés, dont le MDN, AQS Bellara, Sider, Gipec, Tonic et Logitrans pour ne citer que ces clients, avec des commandes qui portent sur les supports de rampes et tourelles de chars, la modernisation des wagons minéraliers, la réhabilitation des locomotives et wagons, la rénovation des fours et la maintenance des équipements, la carrosserie telles les bennes, les citernes, les stations, etc.

A considérer les mesures prises dont les résultats ont été probants dès les premiers mois de gestion par la nouvelle équipe, pouvez-vous affirmer que le plan de redressement a eu un impact positif ?

Sur tous les aspects qui ont fait l’objet d’un redéploiement stratégique et de corrections, les résultats sont évidemment positifs et prometteurs. Les résultats capitalisés dès 2017 étaient très bons et suivaient, dès lors, une courbe ascendante. Nous avons pu améliorer le volume des activités de l’entreprise, ainsi que les indices de gestion. Nous avons réussi à rationaliser les charges d’exploitation et utiliser de façon optimum des facteurs de production, moyens humains et matériels confondus. Nous avons pu diversifier notre clientèle et notre gamme produits, et par la même assuré de nouvelles ressources financières pour notre trésorerie et procédé à un assainissement progressif du déficit fiscal et comptable. Ceci d’une part, concernant les équilibres internes de l’entreprise. D’autre part, concernant l’apport de Ferrovial à l’Algérie, nous sommes fiers de dire que nous avons, pour la première fois, payé l’IBS et donc participé dans les recettes du Trésor public, de même que nous participons dans le processus de substitution de l’importation et, en tant qu’entreprise qui a pu se renouveler, nous contribuons à la création d’emplois nouveaux en faveur des jeunes diplômés qui arrivent sur le marché du travail. C’est dire qu’aujourd’hui, nous avons pu améliorer et consolider les principaux agrégats de gestion avec un chiffre d’affaires de 379 millions de dinars en 2016, qui a atteint 1.600 millions de dinars en 2020 et des indices financiers tous au rouge de 2013 à 2016, passés au vert à partir de 2017, alors que l’IBS qui était nul durant la gestion antérieure de l’entreprise, a représenté 19% du résultat brut en 2019.

Sur quoi repose aujourd’hui la stratégie de développement de Ferrovial et quel est son plan d’investissement à court et à moyen terme ?

La stratégie de renflouement de l’entreprise ayant porté ses fruits, nous avons mis en place une stratégie de développement qui, en plus de s’appuyer sur les acquis capitalisés dans la lancée, repose sur la promotion du segment recherche et développement, et cela par la création d’une direction centrale à Ferrovial de plus de 30 ingénieurs. Par ailleurs, nous avons conclu des partenariats avec la Direction générale de recherche et développement technologique (LSDT), ainsi qu’avec les instituts de recherche relevant du ministère de l’Industrie et d’autres institutions. Une synergie qui ne peut, certainement, que favoriser l’innovation au sein de nos activités.

Parmi les autres axes stratégiques, il y a ceux qui ont permis le renflouement de Ferrovial que nous maintenons et renforçons, surtout que ces actions s’inscrivent stratégiquement en droite ligne dans les orientations de politique générale du Gouvernement. Nous poursuivons et renforçons donc les efforts pour la diversification de notre portefeuille clientèle ; l’installation de Ferrovial en tant qu’acteur important de l’économie nationale dans son domaine d’activité ; la promotion du marché national par la mise en place de nouveaux produits qui répondent aux besoins du marché et qui, ainsi, s’imposent comme des substituts à l’importation ; le positionnement sur le marché africain par la mise en place d’une nouvelle politique commerciale et de marketing ; l’affinement du travail interne allant dans le sens de plus de rationalisation des charges d’exploitation, vecteur de plus de compétitivité des produits Ferrovial en comparaison avec la concurrence aussi bien sur le marché local que sur le marché extérieur ; le maintien de la même dynamique de création d’emploi, sachant que toutes catégories confondus nos effectifs se situent actuellement à hauteur de 600 travailleurs, soit presque le double par rapport à 2017, qui devrait, à l’horizon 2026, atteindre 1.000 travailleurs.

Qu’en est-il aujourd’hui de la sous-traitance, étant donné que l’entreprise ne peut pas assurer, à elle seule, l’ensemble des activités qui sont maintenant diversifiées et loin de son métier de base ? 

Je vous informe, puisque vous me posez la question, que la stratégie d’intégration initiée par l’entreprise depuis 2017 a permis la constitution d’un portefeuille sous-traitant important composé du groupe IMETAL (complexe El Hadjar), FONDAL, AGM, ORCIM, EMO, ETRAG, GERMAN GICA (SME), ENAP (GROUPE ACS), ainsi que des sous-traitants privés (fabricants de ressorts, fabricants de tuyaux, fabricants de quincaillerie,) NAFTAL (pneumatiques), ainsi que des start-up. Cela sans oublier plusieurs projets en cours de négociations.

Peut-on connaître le nombre d’emplois créés durant l’exercice 2022 à travers le développement de vos activités à valeur ajoutée ?

La dynamique de création d’emplois nouveaux à Ferrovial n’est pas étrangère au renouveau industriel et de gestion que connaît l’entreprise. Ainsi, de 2018 à 2022, il y a eu création de pas moins de 240 emplois supplémentaires.  Sur ces effectifs, 50 apprentis ont été reconduits en CDD et 18 ingénieurs ont été recrutés pour se dédier à la recherche et développement. Nos projections à l’horizon 2026 voient nos effectifs, comme je l’ai déjà mentionné, atteindre 1.000 employé.

Beaucoup d’entreprises sollicitent actuellement le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique pour développer des projets de partenariats. Qu’en est-il pour Ferrovial ? 

Vous ne croyez pas si bien dire. Ferrovial est en effet, et par excellence, l’entreprise publique qui a le plus sollicité le secteur de la recherche scientifique, et cela depuis 2017. Ce n’est pas pour rien que cette approche a abouti à des résultats très positifs sur le terrain, en l’occurrence la réalisation d’une grue nacelle mobile, la première en Algérie, et l’engagement en phase de maturation d’un projet de fabrication d’un sheeploader, premier en Algérie avec CRTI, sachant qu’un sheeploader similaire est importé actuellement à hauteur de 4 millions d’euros l’unité ; la réalisation d’une station de traitement des eaux avec le CRAPC, la réalisation d’une machine de ramassage des pierres pour le secteur de l’agriculture, l’industrialisation d’une chaîne de montage de conteneurs totalement algérienne au niveau de Ferrovial, avec CITAL et 4 instituts de recherche relevant du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS). Par ailleurs, pas moins de 15 conventions ont été signées, à la mi-février 2023, entre Ferrovial, CITAL et le MESRS pour la réalisation de projets au niveau de Ferrovial, actuellement en phase de maturation. Tels sont, grosso modo, les partenariats et les projets en cours entre Ferrovial et ses partenaires scientifiques et industriels.

Quel est le projet qui vous tient à cœur et que, pour certaines raisons, vous n’avez pas encore pu réaliser ?

Il est vrai qu’il existe un projet qui nous est particulièrement cher à Ferrovial. Il consiste dans la mise en place d’une chaîne de montage de conteneurs maritimes qui serait totalement fabriqués par des compétences algériennes. Cela à l’effet, tout d’abord, de garantir la souveraineté nationale en la matière, et de répondre, ensuite, aux orientations de Monsieur le Président de la République, qui consistent dans la fabrication d’un conteneur maritime à 100% algérien dans le but de mettre un terme à l’hémorragie de transfert de devises qui dépasse actuellement les 5 milliards de dollars.  

Dj. O.

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