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Mathieu Bruchon, Chef du Service économique régional d’Alger au sujet des relations économiques algéro-françaises : « Il y a du potentiel pour faire encore davantage !»

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Intervenant, lors de la 14e édition des « Rencontres Algérie », tenue au siège de Business France le 16v mars écoulé à Paris, sur le parcours de l’entrepreneur vers l’Algérie dans le cadre de la trajectoire de l’économie algérienne face aux mutations globales, Matthieu Bruchon a aligné chiffres et analyses induites qui plaident pour une approche adaptée du marché algérien, à la lumière des mutations que connaît le pays, et à travers une lecture pragmatique de la politique que mènent les pouvoirs publics en Algérie, allant dans le sens d’une diversification de l’économie et d’une concrétisation de partenariats gagnant-gagnant au service du développement de la production locale et, donc, favorable aussi au transfert de technologie et de savoir-faire dans une perspective d’une démarche partenariale de la part des entreprises françaises qui convoitent le marché algérien.

Par notre envoyé spécial à Paris Hacène Nait Amara

Devant un parterre d’opérateurs économiques et des acteurs institutionnels qui connaissent bien l’économie algérienne et le renouveau qui caractérise celle-ci ces dernières années, Mathieu Bruchon s’est voulu pratique dans son approche de l’Algérie, en s’appuyant sur l’éloquences des faits et des chiffres, commençant par des données macroéconomiques.

Ainsi, selon cet expert, l’Algérie d’après-Covid a connu un rebond de sa croissance économique en 2021 (2,4%). Croissance qui s’est confirmée en 2022, avec 3,4% selon les autorités algériennes, et 1 point de plus selon le Fonds Monétaire International – FMI.

Et l’intervenant de s’étaler sur la composition de cette croissance, dont il précise « qu’elle a été le fait d’activités hors hydrocarbures ». Cette croissance hors ressources énergétiques, M. Bruchon l’attribue à une raison assez simple, au fait « que ce sont des secteurs d’activité qui étaient plutôt restés atones en 2021, qui ont connu un certain regain de vitalité  en 2022. ». Il s’agit, explique-t-il, de secteurs comme les services, l’industrie, l’agriculture, voire aussi le bâtiment qui, en fin d’année, ont repris en 2022.

Quant au secteur des hydrocarbures, Mathieu Bruchon situe sa plus forte reprise en 2021, contrairement aux autres secteurs, cela bien qu’il a poursuivi sa croissance « mais de manière un peu moins rapide en 2022 », explique-t-il encore tout en soulignant la place encore très importante du secteur des hydrocarbures en Algérie, du fait qu’« il représente le tiers du PIB, d’autant que c’est des revenus des hydrocarbures que l’Algérie tire la très grosse majorité de ses devises ».

« A jouer à plein, s’agissant de l’Algérie, un double effet prix et volume, le pays a produit un million de barils/jour en 2022. Autrement dit son quota OPEP, avec 100 000 b/j de plus qu’en 2021 », signant un retour à des niveaux de production de brut antérieurs à la crise sanitaire du Covid-19, « le tout valorisé avec un baril sur deux exporté et c’est le Sahara Blend, s’agissant du brut algérien, qui s’est affiché en moyenne à 105 dollars le baril en 2022 », devait dire, en substance, M. Bruchon qui aborde ensuite le domaine gazier en Algérie pour lequel il estime que l’embellie est davantage tranchée, rappelant, pour un souci de précision et de référence chiffrée, que si l’on « regarde le TTF Dutch qui est l’indice de référence de gaz, l’indice TTF Dutch est passé de 10 dollars en 2020 à 140 dollars en 2022, alors que l’Algérie a été en capacité de produire des quantités record en 2021 », pour ne donner que les chiffres de cette année-là, les données consolidées de 2022 n’étant pas encore disponibles, sachant tout de même, selon le même intervenant, que cela devrait être d’ampleur similaire qu’en 2021, avec cette autre similitude qui consiste à constater, comme pour le pétrole, que l’Algérie « a exporté à peu près la moitié de sa production, à hauteur de 70% sous forme de gaz naturel via pipeline, et 30% sur les marchés spot sous forme de GNL ».

Ces données étant intéressantes pour mesurer les marges de manœuvres financières de l’Algérie dans la conduire de sa politique de développement économique et sociale et de diversification industrielle, M. Bruchon précise, justement, qu’en 2022, l’Algérie a « très fortement augmenté ses exportations hors hydrocarbures.»

Une réalité fort significative économiquement en tant que résultat d’un processus transformationnel soutenu par une politique publique déterminée à s’inscrire irréversiblement dans un contrebalancement des importations par des exportations et par la production locale.

Au jour d’aujourd’hui, reconnaît cet expert, les quantités exportées comme les rentrées engrangées demeurent encore modestes quand on les compare aux rentrées en devises réalisées par l’exportation des hydrocarbures, « mais la dynamique, tout de même, est très intéressante, dans la mesure où il s’agit de biens de transformation et/ou industriels qui sont basés sur une énergie à prix abordable, tels les produits métallurgiques, les engrais, etc. », explique-t-il encore pour étayer son propos.

Dans la suite du raisonnement, M. Bruchon relève le facteur, dont il souligne par ailleurs l’intérêt, qui favorise ces mutations de l’économie algérienne, à savoir le fait que « les autorités algériennes ont mis en place une politique de maîtrise des importations en 2021 qui s’est confirmée en 2022, avec un premier objectif, la maîtrise du niveau de sortie des devises, et le deuxième, qui est plus structurel, consistant dans l’encouragement de la production locale, avec un effet conséquent sur les comptes externes », devait-il enfin constater.

Mettant l’accent sur la situation financière de l’Algérie, cet expert a invité le parterre d’opérateurs captivés par ses propos, à considérer « l’évolution des chiffres pour se rendre compte que le pays est parvenu – ce n’était pas le cas depuis des années – à dégager un excédent commercial en 2022 avec une reconstitution des réserves de change qui devraient être, à la fin de 2022, de l’ordre de 60 milliards de dollars. » M. Bruchon a estimé que cette manne financière représentait quelque chose comme quinze mois d’importations, qui tranchent, selon lui, avec les quelques mois de 2013-2014.

Précisant que cette situation d’embellie financière doit de prévaloir aux prix pratiqués sur le marché des hydrocarbures, dont les fluctuations, relèvent d’une réalité exogène que l’Algérie ne maîtrise pas, le chef du service économique régional d’Alger, estime qu’en 2023 « il s’agira à peu près des mêmes quantités qu’en 2021 et 2022 »

Pour ce qui est du volume des importations, objet de questionnement, M. Bruchon a reconnu concernant ce chapitre qui relève d’un choix de politique publique « sur laquelle il n’y a pas de visibilité évidente », fait malgré tout l’objet d’une révision dans ce sens où l’intervenant croit déceler, à juste titre, dans les dernières décisions, « une volonté gouvernementale de replacer le curseur entre une politique de restriction des importations pour parer à une sortie insoutenable de devises et la nécessité de satisfaire les consommateurs. »

Abordant la question des effets inflationnistes que renforce, un tant soit peu, une politique menée qui, par son caractère accommodant, vise à encourager la croissance », l’orateur estime qu’en 2023 l’Algérie envisage une inflation de plus de 5%, le FMI un peu plus, mais, in fine, explique M. Bruchon, qui ajoute que « cela dépendra de facteurs plus globaux et la question sera de savoir ce que fera la Banque d’Algérie par rapport à cela et ses capacités d’intervention ». Pour lui, la fin annoncée, en 2023, du financement monétaire, fera que ce qui jouera sur l’inflation « ce sont les orientations budgétaires qui seront prises par l’Etat » qui répondront à la question de savoir quels équilibres celui-ci privilégiera « entre les mesures de soutien à la croissance et en direction des ménages et les contrecoups possibles de ces mêmes mesures qui peuvent être potentiellement inflationnistes. »

M. Bruchon considère le budget adopté pour 2023, « de volontariste, porteur d’un certain nombre de mesures destinées à soutenir la consommation des ménages, et puis surtout le maintien du système des subventions », finit-il par apprécier en relevant un autre volet intéressant, celui concernant les mesures budgétaires prises en direction des entreprises qui « montrent les premiers signes de la transmission dans l’économie réelle d’une partie de ces réserves ».

Autre point intéressant relevé « un certain nombre de mesures fiscales adoptées dans la Loi de Finances pour 2023, destinées à améliorer le cadre des affaires ». Elles traduisent, selon cet expert, « la diffusion d’un certain nombre d’avancées législatives et réglementaires réalisées en 2022, en l’occurrence, le nouveau code d’investissement et puis également une stabilisation du cadre d’investissement réglementaire dans le secteur de l’automobile. » Des décisions dans lesquelles Mathieu Bruchon reconnaît « des mouvements dynamiques qui se poursuivent à travers de nouvelles loi sur la monnaie, sur les zones franches et plus globalement une série de mesures qui tendent à favoriser un modèle (…) plus ouvert vers l’investissement privé et qui sont destinées à accélérer la dynamique de diversification de l’économie algérienne », conclut-il.

Sur la relation bilatérale algéro-française, dira Mathieu Bruchon, « le parterre de chefs d’entreprises qui a écouté cette présentation représente des acteurs qui observent et vivent cette réalité économique de l’Algérie, un partenaire très important pour la France autant que la France l’est pour l’Algérie », sachant, dira enfin M. Bruchon, qu’il y a « entre les deux pays de la place et du potentiel pour faire encore davantage. »  

H. N. A.

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