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Mourad Kaoula, CEO de GIG ALGERIA : «Les textes les plus récents et régissant le secteur des assurances ont plus de 15 ans et ne permettent aucunement le développement du secteur»

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Acteur de taille du marché algérien et régional des assurances, le groupe GIG a tenu à prendre part au plus haut niveau à la 33ème conférence du GAIF qui s’est début juin écoulé à Oran. En plus de la participation distinguée des hauts responsables du groupe, GIG Algeria a été également représenté par son CEO, Mourad Kaoula qui a bien voulu accorder cette interview à notre magazine Injazat. Il est question, bien évidemment, de revenir sur le grand évènement que la ville d’Oran a abrité début juin, à savoir la 33ème conférence de l’Union général arabe des assurances (UGAA), mais aussi de la participation de GIG, des opportunités post-Covid du marché régional des assurances. Mais pas seulement. Dans cette interview, notre interlocuteur parle beaucoup des défis auxquels sont confrontés les acteurs du marchés algériens, mais aussi des grandes réformes à mener dans le secteur afin de permettre au marché local d’évoluer et de tirer profit des énormes marges de progression dont il dispose.

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara

Vous avez participé à la 33e conférence de la GAIF à tenue Oran du 5 au 8 juin 2022, quels sont les principaux enseignements que vous avez retenus de cet événement ?
Notre participation en tant qu’acteur du marché algérien mais aussi en tant qu’acteur régional a été un véritable succès sur tous les plans. Nous retenons bien évidement l’effervescence dont jouit le marché des assurances dans la région ainsi que la qualité des acteurs ayant pris part à cette édition. Aussi, le fait que le marché algérien ait organisé cette édition a permis à nos collègues du marché de se frotter à leurs confrères de la région et autres experts internationaux dont les expériences sont différentes mais parfois très inspirantes.

Quelle appréciation faites-vous de l’organisation et de la qualité des débats ayant eu lieu lors de cette conférence ?
Le choix de la ville d’Oran n’a pas été anodin et les infrastructures de la ville ont permis une organisation à la hauteur de nos attentes et celles de nos invités. La thématique générale ainsi que les thèmes abordés lors des quatre sessions étaient d’actualité et traitaient des sujets à la fois passionnants que préoccupants notamment pour ce qui est des risques émergents et leurs impacts sur le marché arabe des assurances. Les différents intervenants nationaux et internationaux ont réhaussé de leurs expertises les débats qui devraient servir comme à chaque fois de point de départ pour des projets à mener dans nos marchés respectifs avec un seul et unique objectif celui d’une plus importante inclusion financière ainsi que le niveau de pénétration.

La Conférence s’est penchée sur les défis auxquels sont confrontés les assureurs de la région MENA ainsi que sur les opportunités post-crise sanitaire, quel est votre avis sur ces questions ?

Au même titre que tous les acteurs et activités économiques dans le monde, le marché des assurances se confronte à différents défis d’ordres économique, social, climatique et autres. Il est clair que dans la nature de tout être les crises restent une réelle source d’apprentissage, ceci s’applique tout autant à nos organisations qui à travers la crise sanitaire nous avons beaucoup appris mais encore, nous nous sommes remis en question. L’évolution de la société fait à ce que les risques évoluent avec, que ce soit d’un point de vue climatique, technologique ou sanitaire. C’est avec cette évolution qu’émergent de nouveaux risques auxquels tout un chacun devra faire face ce qui fait à ce que nous soyons, nous assureurs, face à autant de défis que d’opportunités.

Les participants ont plaidé en faveur de la numérisation, de la modernisation des moyens de gestion, de la mutualisation des efforts face aux risques nouveaux ainsi que pour l’amélioration du taux de pénétration du secteur à travers l’accessibilité des produits d’assurance. S’agit-il d’axes de réformes que vous avez adoptez, vous en tant qu’assureur algérien ?

Avant tout, il serait plus pertinent d’analyser les vraies raisons de l’échec que nous vivons actuellement avant de bâtir des stratégies sur des suppositions ou hypothèses pleines d’ambition et qui risqueraient dans un avenir très proche connaitre le même échec. La numérisation, la digitalisation et la modernisation des moyens de gestions est avant tout une nécessité avant d’être un banal phénomène de mode. Toute personne, physique ou morale doit se connaitre avant d’opter pour une quelconque refonte partielle ou totale dans le but d’atteindre un objectif. L’erreur à ne pas faire reste le fait d’opter pour des acquisitions de solutions et de plateforme, associant des investissements humains et financiers sans une stratégie claire portant sur l’optimisation de la chaine de valeurs qui définit clairement l’enchainement des activités de l’entreprise que ce soit sur les process de souscriptions, gestion des sinistres ou autres.
De nos jours, nous ressentons à plus d’un niveau la nécessité de cette modernisation qui s’impose d’elle-même par l’arrivé d’une nouvelle génération de cadres née et qui baigne dans le digital, ainsi qu’une clientèle. En tant qu’acteur local, nous exécutons une feuille de route claire et déclinée d’une stratégie de notre groupe avec des axes stratégiques bien définis et dont la modernisation de notre activité en fait une partie intégrale. Cependant, nous misons avant tout sur l’évolution de nos process en interne et la modernisation de notre chaine de valeur avant de proposer nos services aux assurés. Une culture inculquée à tous les niveaux décisionnels et d’exécution, les process modernisés et les outils en place, il sera plus au moins naturel d’externaliser ça afin d’impacter l’expérience client de nos assurés et offrir de réels services à la hauteur de leurs attentes. Maintenant de là à croire que l’évolution d’un point de vue numérique et digital aura un impact direct sur le taux de pénétration, ceci relèverait de l’utopie, l’amélioration du taux de pénétration passera par l’adaptation de nos produits aux besoins réels du consommateurs et qui doivent être en adéquation avec l’environnement dans lequel nous évoluons mettant en avant un objectif commun à tous les secteurs financiers notamment dans tout ce qui tourne autour de l’inclusion financière.

L’Algérie vient d’être élue à la présidence de la GAIF, n’est-ce pas une preuve en ne peut plus claire du retour de l’Algérie sur la scène internationale ? 
Être à la tête du GAIF est en soit une responsabilité avant que ça ne soit un honneur, et notre premier devoir aujourd’hui reste celui de l’exemplarité. L’Algérie a toujours été sur la scène internationale de par sa taille, étant le plus grand pays en Afrique, que par son économie qui certes ne représente pas la réalité de ce que notre cher pays a comme capacité tous secteurs confondus. Par ailleurs, et ayant la capacité de jouer les premiers rôles dans la région, et même sur le continent, des prérequis indispensables manquent aujourd’hui à l’appel ou affichent un déficit/retard considérable comparés à ce qui se fait dans des marchés similaires. En effet, sur le plan règlementaire, certes beaucoup d’efforts sont actuellement fournis afin de mettre en place le cadre juridique adéquat qui devrait permettre une réelle révolution dans le marché des assurances, mais au jour d’aujourd’hui les textes les plus récents et régissant le secteur des assurances ont plus de 15 ans et ne permettent aucunement le développement du secteur. Le cadre juridique en question ne devrait par contre pas être limité à une initiative de révision réglementaire, mais doit venir en soutien à une stratégie sectorielle à moyen et long terme, avec des objectifs clairs notamment en matière de pénétration et d’inclusion financière rendant les services financiers plus accessibles. Il est important également, à mon avis, de mettre en place en autorité indépendante. C’est un sujet qui a déjà fait l’objet de plusieurs débats, notamment pour ce qui est du conflit d’intérêt que pourrait avoir la Commission de Supervision des Assurances dans l’exercice de ses missions notamment pour ce qui est contrôle de l’activité des compagnies d’assurance publiques. La mise en place par voie réglementaire d’une autorité indépendante permettra aux différents acteurs du marché, importe peu la nature de leurs capitaux, d’être sur le même pieds d’égalité quant à la conformité réglementaire à laquelle ils sont soumis. Au chapitre des normes comptables et financières, en lien direct avec le précédent point, celles appliquées aujourd’hui sont obsolètes, chose qui impacte négativement la qualité de notre reporting financier aux yeux des investisseurs ou acteurs intéressés par le marché Algérien. La mise à jour des normes permettra de s’assurer que chaque compagnie fournit des informations pertinentes qui représentent fidèlement sa position financière. Ces informations permettent aux exploitants des états financiers d’évaluer la performance financière de l’entité. Au plan de la concurrence, comme dans tous les marchés, la cyclicité fait à ce qu’aujourd’hui nous soyons dans une position SOFT, ce qui implique des taux de primes très bas et un excès de capacité sur le marché. Cette position n’est pas des plus déplaisante ou anormale, du fait que c’est un comportement quasi normal d’un marché où la concurrence devrait à la base être libre. Ce qui permettrait une réelle évolution dans notre marché est une ouverture au sens propre du terme et qui serait en adéquation avec les volontés affichées par les pouvoirs publics notamment en matière de partenariat public & privé. Cette évolution ne saurait arriver sans une réelle volonté permettant aux acteurs privés d’avoir accès aux contrats d’assurance couvrant le patrimoine des entreprises publiques, les projets d’infrastructures et autres hydrocarbures ainsi que les partenariats avec les acteurs bancaires publics dans le cadre de la banque assurance. Par ailleurs, les règles d’une concurrence saine étant déjà établies par les textes en vigueur, une stricte application de ces dernières permettrait une réelle révolution du marché des assurances et bien d’autres.
H. N. A.

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