Lors de la cérémonie d’ouverture de la 4e édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025), tenue au prestigieux Centre international de conférences Abdelatif-Rahal à Alger le 04 septembre 2025, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a prononcé un discours d’ouverture solennel. Cette rencontre de haut niveau a réuni des chefs d’État, des ministres, des responsables d’organisations régionales et continentales, ainsi que des représentants du secteur privé et de la société civile africaine. Dans son allocution, le chef de l’État a livré une vision ambitieuse et lucide sur l’avenir du continent, en mettant en avant les défis pressants qui entravent encore son développement et les immenses opportunités qui s’offrent à lui dans un monde en pleine recomposition géopolitique et économique.
Par Khris Badreddine
Une Afrique forte et influente au cœur du discours
Le président Tebboune a profité de cette tribune pour réaffirmer avec force la nécessité de promouvoir une vision fédératrice qui dépasse les intérêts étroits des États et permette à l’Afrique de parler d’une seule voix. Selon lui, seule une telle démarche est à même de hisser le continent au rang d’acteur majeur dans les affaires internationales. Cette conviction s’inscrit dans la continuité du rôle que l’Algérie a toujours joué au sein des mouvements de libération et de coopération Sud-Sud depuis les années 1960, lorsque le pays venait d’accéder à l’indépendance.
Le chef de l’État a rappelé que malgré des avancées significatives au cours des deux dernières décennies — l’activation de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), l’adhésion de l’Union africaine au G20 ou encore l’établissement de partenariats stratégiques avec des puissances économiques mondiales —, ces acquis demeurent insuffisants face à l’ampleur des défis. Il a mis en garde contre l’illusion de progrès fragmentés qui ne changent pas fondamentalement la place de l’Afrique dans l’ordre économique mondial.
En effet, a-t-il précisé, les chiffres révèlent une réalité préoccupante : moins de 6,5 % des droits de vote au FMI, 11 % à la Banque mondiale et à peine 3 % du commerce mondial. Ces statistiques traduisent un déséquilibre criant entre le potentiel du continent et son influence réelle dans les instances internationales. Pourtant, l’Afrique concentre 30 % des ressources naturelles mondiales et dispose d’un marché en pleine expansion de plus de 1,5 milliard d’habitants, dont la majorité est constituée de jeunes. Des atouts considérables qui devraient logiquement faire de l’Afrique un moteur de croissance et un acteur incontournable, mais qui restent encore insuffisamment exploités faute d’une stratégie commune et d’un poids politique suffisant.
Des défis structurels persistants
Dans son discours, le président Tebboune a dressé un constat clair des insuffisances structurelles qui freinent encore le décollage économique du continent. Il a insisté sur le manque criant d’infrastructures de transport, d’énergie, de communication et de financement, qui entravent aussi bien les échanges intra-africains que l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
Avec seulement 94 milliards de dollars d’investissements directs étrangers reçus chaque année, soit moins de 6 % du total mondial, l’Afrique reste en marge des flux financiers internationaux. Ces montants, déjà insuffisants, sont en plus concentrés sur un nombre restreint de pays, laissant de vastes régions totalement à l’écart des dynamiques d’investissement. Le président a également dénoncé la dépendance excessive aux matières premières brutes, qui expose les économies africaines aux fluctuations des cours internationaux et limite la création de valeur ajoutée locale.
Autre défi évoqué : la faiblesse du commerce intra-africain, qui ne représente qu’à peine 15 % du commerce total du continent, contre plus de 60 % en Europe ou 50 % en Asie. Pour le président Tebboune, cette situation est largement imputable à l’absence de corridors logistiques fiables, aux barrières tarifaires et non tarifaires persistantes et à des politiques économiques trop fragmentées. Il a exhorté les pays africains à transformer ces contraintes en leviers de mobilisation collective, en insistant sur la nécessité d’une approche intégrée et coordonnée.
Le rôle moteur de l’Algérie
Dans cette perspective, le président Tebboune a mis en avant le rôle moteur de l’Algérie dans le processus d’intégration continentale, à travers la réalisation de plusieurs mégaprojets structurants. Parmi eux, la route transsaharienne, véritable colonne vertébrale reliant la Méditerranée au Sahel, et le gazoduc Algérie–Nigeria, appelé à sécuriser l’approvisionnement énergétique de plusieurs pays africains et à renforcer la place du continent dans la géopolitique mondiale de l’énergie.
La dorsale transsaharienne à fibre optique a également été citée comme un chantier stratégique pour garantir la souveraineté numérique des pays africains et réduire leur dépendance aux infrastructures de communication extracontinentales. À ces projets s’ajoutent des liaisons ferroviaires, notamment celle reliant Adrar au Mali et celle reliant Tamanrasset au Niger, ainsi qu’un développement des liaisons aériennes et maritimes entre les capitales africaines, visant à briser l’isolement des pays enclavés.
Sur le plan financier, l’Algérie œuvre pour renforcer le commerce intra-africain grâce à l’ouverture de succursales de banques algériennes dans plusieurs pays et à la création de zones franches régionales, en particulier avec les pays voisins du Maghreb et de la région sahélo-saharienne. À cela s’ajoutent des initiatives de solidarité concrètes : la formation de plus de 65 000 cadres africains depuis l’indépendance de l’Algérie et l’effacement de la dette de 14 pays africains, pour un montant estimé à 1,5 milliard de dollars. Ces mesures illustrent, selon lui, l’engagement indéfectible de l’Algérie pour une Afrique unie et prospère.
Vers une nouvelle ère de coopération
Le président Tebboune a souligné avec conviction que l’avenir de l’Afrique repose sur la transformation de la ZLECAf en un véritable outil de développement. Pour y parvenir, il a insisté sur la nécessité de créer un climat d’investissement attractif, d’harmoniser les réglementations économiques, de simplifier les procédures et de renforcer la confiance entre les partenaires africains.
Il a également plaidé pour une meilleure gouvernance et une lutte résolue contre la corruption, afin de consolider la crédibilité des institutions et de stimuler l’adhésion des investisseurs. Pour le président, l’Afrique doit cesser d’être perçue comme une périphérie du système mondial et assumer pleinement son rôle d’acteur central, fort de sa jeunesse, de ses ressources et de son dynamisme.
Clôturant son discours, le chef de l’État a lancé un appel solennel aux dirigeants africains afin que cette 4e édition de l’IATF marque « un nouveau départ, une ère renouvelée où nous avançons ensemble vers une Afrique forte, solidaire et prospère ».
La jeunesse africaine au centre de la vision
En marge de la cérémonie, le président Tebboune a tenu à rappeler, devant la presse, que la jeunesse africaine constitue l’un des piliers fondamentaux de l’avenir du continent. Il a souligné que cet événement était organisé « pour la jeunesse », estimant que « les jeunes, qui représentent près de 70 % de la population africaine, doivent jouer un rôle de premier plan dans l’édification du continent ».
Pour lui, il ne s’agit pas seulement de donner la parole à la jeunesse, mais de l’associer pleinement aux processus de décision, de formation et d’innovation. En insistant sur ce point, le président a voulu marquer la centralité des nouvelles générations dans la transformation économique, politique et sociale de l’Afrique, convaincu que c’est à travers elles que le continent pourra libérer tout son potentiel et se projeter dans l’avenir.
Kh. B.




