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Nicolas George, représentant du Groupe Holcim en Algérie : « Nous nous agissons sur plusieurs axes pour des constructions plus respectueuses de l’environnement »

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Nicolas George, Représentant du Groupe Holcim en Algérie, aborde, dans cette interview exclusive accordée au magazine Indjazat, les objectifs de la participation de son Groupe à la 25ème édition du Salon BATIMATEC, ainsi que les solutions et les produits innovants qu’il développe dans différents domaines liés au secteur du BTP et des matériaux de construction.

Entretien réalisé par A. Boabdil

Lafarge Algérie figure parmi les principaux acteurs du secteur du bâtiment et des matériaux de construction dont la participation à la 25ème édition du salon Batimatec est très attendue. Comment avez-vous préparé votre participation à ce grand rendez-vous ?

Nous sommes extrêmement enthousiastes à l’approche de cet événement. Que ce soit en Algérie ou à l’échelle mondiale, nous sommes toujours présents lors des salons où nous avons l’occasion de présenter nos stratégies et nos solutions. Batimatec représente véritablement le moment fort de l’année pour partager notre savoir-faire et nos ambitions, non seulement avec nos clients, mais également avec les autorités. Nous avons consacré beaucoup d’efforts pour nous préparer à cet événement en choisissant une ligne de communication claire : comment construire en Algérie avec une empreinte carbone réduite ?

Nous cherchons à démontrer ce qui est déjà disponible pour nos clients algériens grâce aux produits innovants proposés par Lafarge.

De nouvelles solutions innovantes dans le domaine de la construction ont été lancées lors de cet événement. Quel en a été l’écho auprès des acteurs du secteur local du bâtiment ?

En septembre dernier, nous avons fièrement introduit le premier ciment vert en Algérie avec le CHAMIL™ ECOPlanet, un ciment dont l’empreinte carbone par tonne est réduite d’environ 40% par rapport à un ciment classique. Les résultats ont été très encourageants et nos clients l’ont bien accueilli. Nous avons observé une augmentation des ventes de ce produit dans la région ouest, où il est actuellement disponible, avec une croissance d’environ 15 à 20%. Cela démontre que de nombreuses personnes sont sensibles à cette question et sont intéressées par des solutions durables, d’autant plus qu’elles ont compris que notre ciment écologique est proposé au même prix que le ciment traditionnel.

Par ailleurs, nous avons également présenté lors du BATIMATEC de l’année dernière un autre produit qui commence à se généraliser avec succès : la solution d’isolation AIRIUM™. Nous avons réalisé près de 200.000 mètres carrés de toiture l’année dernière grâce à ce produit, que ce soit pour des projets immobiliers, des villas individuelles ou des bâtiments publics. Nous sommes convaincus d’avoir entre nos mains un produit qui améliore le confort des habitations tout en réduisant l’impact environnemental. En d’autres termes, il s’agit d’un produit bénéfique pour tous. Ces avancées témoignent de notre engagement continu à fournir des solutions innovantes et durables dans le secteur du bâtiment. Nous sommes fiers de contribuer à la décarbonation de l’industrie du bâtiment en Algérie et de promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement.

Votre participation à l’édition 2023 du BATIMATEC a été placée justement sous le signe de la réduction de l’empreinte carbone dans la construction. Pouvez-vous nous en fournir davantage de détails?

Nous mettons en place plusieurs actions pour réduire notre impact environnemental selon quatre axes principaux. Le premier concerne nos sites industriels et notre objectif est de minimiser nos émissions de carbone lors de la production. À titre d’exemple, nous avons récemment réalisé l’électrification de l’usine Lafarge Sacs. D’ici la fin de l’année, nous aurons installé suffisamment de panneaux solaires pour permettre à l’usine de fonctionner en autonomie pendant la journée, lorsque le soleil est présent, sans dépendre du réseau électrique traditionnel. Ce projet pilote est une initiative que nous souhaitons reproduire dans d’autres sites si nous prouvons son efficacité et sa faisabilité dans le contexte algérien.

Le deuxième axe de notre action concerne l’économie circulaire. Nous cherchons à réduire notre consommation de matières premières telles que le calcaire, les minerais de fer et l’argile, en favorisant leur remplacement par des déchets d’autres industries. Par exemple, lorsque l’ANBT procède au désenvasement d’un barrage, nous récupérons ces sédiments pour réduire notre besoin en argile provenant de nos carrières. De même, nous collaborons avec l’industrie sucrière pour valoriser leurs déchets afin de limiter nos prélèvements de calcaire, ainsi qu’avec l’industrie sidérurgique pour réduire notre utilisation de minerais de fer.

Notre troisième axe d’action vise à réduire la consommation énergétique des bâtiments tout au long de leur cycle de vie, afin de réduire les besoins en chauffage pendant l’hiver et en climatisation pendant l’été. Nous cherchons à promouvoir des pratiques et des matériaux qui favorisent une meilleure isolation et une gestion efficace de l’énergie.

Enfin, notre quatrième axe d’action porte sur la valorisation des déchets ayant un pouvoir calorifique, dans le but de réduire notre consommation de gaz naturel. Nous travaillons pour parvenir, d’ici fin 2023 ou début 2024, à substituer au moins 1 à 2% de notre consommation de gaz naturel par la valorisation de ces déchets.

Ces actions concrètes témoignent de notre engagement à agir de manière responsable sur le plan environnemental et à promouvoir des pratiques durables dans l’industrie du bâtiment. Nous continuerons à rechercher de nouvelles opportunités et à améliorer nos pratiques pour réduire encore davantage notre empreinte écologique.

  Absolument ! En tant que membre du Groupe Suisse Holcim, nous nous efforçons d’avoir une stratégie cohérente sur l’ensemble des marchés où nous opérons. La vitesse de mise en œuvre peut varier, mais nos produits restent les mêmes. Lorsque nous parlons du ciment CHAMIL™ ECOPlanet, par exemple, il s’agit exactement du même ciment disponible en Europe, en Asie, en Amérique et dans d’autres régions du monde. Nous disposons de marques mondiales et lorsque nous évoquons ECOPlanet, cela englobe tous les ciments du Groupe Holcim, dans tous les pays, avec une réduction d’au moins 30% des émissions de CO2 par tonne par rapport à un ciment classique. Nous appliquons la même approche pour le béton.

En ce qui concerne le recyclage, nous avons une société appelée EcoCycle qui opère dans ce domaine. Nous espérons pouvoir la lancer en Algérie afin de récupérer les déchets issus de la démolition de bâtiments et les réintégrer dans notre processus de production de ciment ou de béton. Il s’agit de marques globales que nous commençons à introduire progressivement dans de nombreuses régions.

Cela démontre notre volonté de mettre en œuvre des solutions durables à l’échelle mondiale et de contribuer à la transition vers une industrie de la construction plus respectueuse de l’environnement. Nous sommes fiers de faire partie du Groupe Holcim et de pouvoir proposer ces produits et initiatives à nos clients en Algérie.

La solution route dénommée «Ardia 600» constitue une des plus importantes techniques innovantes lancée par Lafarge Algérie.  Où en est sa mise en application sur le terrain?

La solution ARDIA™ est un concept novateur qui permet de recycler les chaussées routières détériorées afin de les utiliser comme base pour la construction de nouvelles routes. Ce concept a été lancé il y a quelques années, et nous avons déjà réalisé des projets pilotes de grande échelle. En 2022, nous avons appliqué cette solution sur plusieurs kilomètres à l’entrée de notre cimenterie d’Oggaz, démontrant ainsi son efficacité pour réduire les coûts de construction et la consommation de matières premières. En réutilisant les chaussées détériorées, nous diminuons la nécessité d’extraire de nouveaux granulats.

Malheureusement, cette solution rencontre encore quelques difficultés à être pleinement adoptée sur les grands chantiers. Cependant, nous avons bon espoir que le plan de relance gouvernemental offrira de nouvelles opportunités pour concrétiser davantage cette approche.

Nous sommes déterminés à promouvoir des pratiques durables dans le secteur de la construction en Algérie, et la solution ARDIA™  s’inscrit pleinement dans cette démarche. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec les acteurs du secteur et les autorités pour encourager l’adoption de cette solution innovante et contribuer ainsi à la préservation des ressources naturelles et à la réduction des coûts de construction.

L’application de cette solution devrait-elle passer par  l’élaboration d’un cahier des charges spécifique et mieux adapté?

Malheureusement, jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à faire progresser l’élaboration d’un cahier des charges pour l’application de la technique ARDIA™. Les cahiers des charges actuels continuent de privilégier des solutions classiques qui ont fait leurs preuves, mais qui sont probablement plus coûteuses et ont un impact environnemental plus important. Les cahiers des charges existants manquent de flexibilité, il est important de travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes et les autorités compétentes pour faire évoluer les cahiers des charges et intégrer ces nouvelles approches

Comment analysez-vous la situation actuelle du secteur local du BTP, après la crise qu’il a connu ces deux dernières années?

Nous avons réalisé une analyse de notre activité et les chiffres sont assez clairs. Nous avons connu une baisse sur le marché domestique d’environ 15% en 2020 et 2021, suivie d’une baisse de 7 à 8% en 2022. Malheureusement, pour le premier trimestre de cette année, nous avons enregistré une nouvelle baisse de 4 à 5%. Bien que la crise majeure soit derrière nous, nous n’avons pas encore réussi à redémarrer pleinement. Le secteur de la construction local continue de souffrir. Cependant, il est important de noter que la baisse de la demande a été beaucoup moins importante que dans de nombreux autres pays, et que les pouvoirs publiques ont joué leur rôle en maintenant une forte activité, notamment dans le logement. C’est principalement le secteur privé qui a souffert. Nous observons des signes encourageants pour le second semestre de cette année, avec un plan de charge qui se profile. Nous espérons vivement que ce plan se concrétisera rapidement, et  sommes prudemment optimistes quant à une reprise progressive de l’activité.

Comment Lafarge Algérie se positionne-t-elle actuellement sur le marché national et quelles sont ses perspectives à l’export?

Actuellement, notre part de marché local représente environ 30 à 33%. Nous nous efforçons de maintenir cette part en proposant des produits de qualité, respectueux de l’environnement. C’est notre principal objectif. En ce qui concerne nos activités d’exportation, nous avons connu une croissance significative au cours des trois dernières années, et cette tendance se poursuit pour le premier trimestre de 2023. Cependant, nous sommes confrontés à des défis logistiques, et le manque d’investissements dans les infrastructures portuaires pour accompagner cette dynamique, car nous ne sommes pas les seuls acteurs dans ce domaine.

En ce qui concerne les exportations, notre part de marché est similaire à celle du marché domestique, entre 30 et 35%. Pour soutenir cette dynamique, il est essentiel de travailler en étroite collaboration avec les autorités. Nous sommes déjà engagés dans cette démarche et nous espérons que les recommandations formulées à cet égard seront rapidement mises en œuvre. De notre côté, nous nous sommes déjà engagé dans la conversion des exports clinker vers le ciment pour  alléger la pression sur les ports en utilisant d’autres quais et réduire la poussière générée.

Lafarge Algérie étant l’un des plus importants exportateurs hors hydrocarbures, quelles contraintes restent encore à lever pour booster davantage ses exportations?

Du point de vue réglementaire, nous ne rencontrons pas de contraintes particulières, à l’exception des subventions promises pour le transport, qui mettent parfois du temps à être débloquées. Nous souhaiterions qu’elles soient accordées plus rapidement afin de nous permettre d’investir davantage, bien que nous ayons déjà engagé des investissements significatifs. Les principales contraintes auxquelles nous sommes confrontés sont liées à l’infrastructure et à la logistique, c’est-à-dire à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement depuis nos usines jusqu’au chargement des navires. Des actions sont en cours pour améliorer cette situation.

De notre côté, nous continuons à investir en Algérie. Entre 2022 et 2023, nous avons investi 18 Millions de dollars dans de nouveaux silos, de nouveaux hangars de stockage et un chargeur de navires automatisé à Djendjen, qui est actuellement en phase finale de démarrage. Nous espérons que ces investissements contribueront à accélérer le taux de chargement des navires et ainsi à améliorer notre efficacité logistique.

Nous sommes résolus à surmonter les défis liés à l’infrastructure et à la logistique en collaborant avec les autorités compétentes et en cherchant des solutions innovantes. Nous restons optimistes quant aux améliorations à venir dans ces domaines, ce qui facilitera notre capacité à répondre à la demande croissante et à renforcer notre position sur le marché  international.

Face aux difficultés que connaît le marché local, l’exportation offre-t-elle une alternative opportune pour écouler vos excédents de production?

C’est effectivement une solution.  Mais, il faut bien savoir qu’une tonne de clinker exportée est beaucoup moins intéressante pour des industries comme les nôtres que de vendre nos produits localement. L’export est en effet une bouée de sauvetage, mais ce n’est absolument pas l’Eldorado à l’heure actuelle.

Nous faisons cela car nous voulons continuer à faire fonctionner nos usines et préserver l’emploi de nos employés ainsi que ceux de tout l’écosystème qui gravite autour de notre activité. Je fais référence notamment aux nombreuses sociétés de service, de maintenance industrielle, de transport, de formation, de fournisseurs de pièces détachées, etc… C’est également un élément très important de la stratégie des pouvoir publique de développer les exportations hors hydrocarbure, car notre industrie ne dépend que très marginalement d’intrants importés, mais quasiment exclusivement de matières premières et main d’œuvre locale.

Quelles peuvent être alors les solutions à privilégier pour relancer concrètement l’activité de votre secteur?

Il y a deux options envisageables. La première est de continuer la croissance des exportation par le passage du clinker au ciment, comme nous sommes déjà en train de le faire, même si nous ne sommes pas encore au même niveau de rentabilité qu’avec la commercialisation sur le marché domestique. Malheureusement, le marché international du ciment est inférieur a celui du clinker et une conversion totale ne sera pas possible.

La deuxième option reste, bien sûr, la relance du secteur local du BTP. Pour cela, je pense qu’il faudra à la fois continuer à stimuler la commande publique, et relancer la demande privée. C’est cette dernière qui baisse le plus, depuis plusieurs années, et qui doit devenir un relais de croissance.

A. B.

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